Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

dimanche 27 décembre 2020

Exclamation

Depuis que j’ai quitté les rives de ma petite rivière chérie
Les berges du grand fleuve m’accueillent
Comme un paysage défilant sous les fenêtres d’un train
Tantôt lent
Tantôt fougueux
Le cours s’étale
Écume
Ponctué de cygnes, cormorans et aigrettes
Notes rondes, blanches et noires
Accrochées à cette grande portée
Parfois Jonathan Livingston me rend visite
Ajoutant à la partition ses pirouettes et ses vocalises

Depuis que j’ai quitté les rives de ma petite rivière chérie
La musique a changé
D’abord ton sur ton
Uniformément grise
Les journées s’écoulaient en mode mineur
Puis la couleur est arrivée
Le brouillard s’est levé
Les montagnes au loin ont fait leur apparition
Saupoudrées
Calligraphiées
Majuscules
La lumière a tout envahi
Comme une exclamation

 


jeudi 10 décembre 2020

Mon ex

Elle était riche
elle était belle
on a vécu des aventures exceptionnelles
elle m’a rempli le cœur de trésors
hélas elle attirait tous les regards
toutes les convoitises
certains voulaient la posséder
d’autres la tenir sous leur emprise
dompter son caractère sauvage
elle était complexe et pas toujours sage
je ne me lassais pas de la contempler
je me fondais en elle comme dans un mirage
je la considérais sacrée
d’autres la voyaient comme un objet
ils me l’ont enlevée
j’ai eu beau la défendre
j’ai eu beau me battre
ils l’ont épuisée
alors la nature s’en est allée
seule
depuis je la cherche en vain
j’erre le long de routes vides
entouré de paysages nus
sans fin


samedi 5 décembre 2020

Drama Spleen

Comment le désigner
comment en dessiner les contours
comment le contourner sans détour
arrêter de tourner autour

Tu n’as pas le vertige
juste peur de la mort
rien de grave
on y passe tous un jour

Pourtant tu le reconnais
tu le vois
tu l’entends
même quand il est absent
il s’insinue entre tes murs
murmure entre tes sinuosités

Tu as beau écouter ton cœur battre
entendre les autres palpiter
la chaleur te manque

Vide
absence
poids lourd
une seule issue
l’affronter
le battre à grands coups d’amour

Pourquoi tant de drame
à revisiter ta vie
tu attises toujours les mêmes flammes
ici des incendies
là des feux follets
tantôt des explosions
tantôt des éclairs dans la nuit

Lorsque tu essayes de dissiper les nuages
la nostalgie te ravage
des répliques sismiques te saisissent
les cataclysmes te laissent des cicatrices
les abandons les accidents les maladies
disparitions trahisons ruptures séparations
le temps délie les liens
même les plus tenaces

Parfois les souvenirs s’effacent
les regrets s’estompent
les remords se lissent
mais il arrive que des cauchemars refassent surface
un ami perdu par-ci
un traumatisme par-là

Alors le vide s’installe
il creuse son trou
cherche à t’entrainer dans sa chute
tu le remplis avec ce que tu peux
du solide du liquide du gazeux
vaine tentation
rien ne peut combler la sidération
du concret au vaseux
tu n’échappes pas à la sublimation
seule issue à cette aspiration
t’agripper aux bords

Tu serais mieux inspiré de t’abandonner à ton sort
de lâcher prise
mais tu préfères tenter de remonter sur la rive
attraper les bouées lancées à ton attention
ces grandes joies qui éclaboussent tes berges
les naissances les renaissances
les rencontres les partages
l’amour l’amitié la fraternité
le courage
et tu revois tes réussites
ton cœur bat la chamade
ton souffle récupère
tu échappes à la noyade
tu émerges comme un poisson jaillit de l’eau

Avant t’étais éteint
sans vie
tu n’avais pas même la chaleur d’une bougie
tu te consumais lentement
parfois tu t’enflammais
et pfuit !

Maintenant tu es allumé
tu clignotes
ta flamme vacille quelquefois
il t’arrive même de réchauffer autour de toi

Demain tu seras lumineux
généreux
sans limites
tu diffuseras sans rien attendre en retour
une vraie pépite

jeudi 3 décembre 2020

Marre à bout de colère

Honte à vous faux frères
Honte à vous décideurs
Honte à vous expulseurs
Honte à vous responsables
comment pouvez-vous laisser mourir vos semblables
comment pouvez-vous gazer des innocents
comment pouvez-vous laisser se noyer hommes femmes et enfants
comment pouvez-vous laisser détruire la nature au nom du profit
comment pouvez-vous à ce point renier la vie
vous ne me ferez pas oublier les gens honnêtes les élus réglos les justiciers du quotidien
mais honte à vous assassins
vous n’êtes que découragement
vous n’êtes que désolation
n’avez-vous pas de cœur
n’avez-vous pas de mère
n’avez-vous pas de sœur
comment pouvez-vous à ce point oublier vos paires
n’avez-vous rien de mieux à faire que de danser sur la misère
à force de cracher sur la liberté vous attisez la haine et les flammes de l’enfer
comment ne pas vous maudire
vous qui inspirez le pire
j’aimerais vous tendre la main
mais comment faire confiance à quelqu’un qui est corrompu au point de tuer son propre frère

vendredi 27 novembre 2020

Nouveau roman

Heureux de vous annoncer la sortie de SAUVETAGE.
Pour ce nouveau livre, j'ai eu la chance de travailler avec Michèle Caranove
qui offre à cette histoire des illustrations inédites et très vivantes.
Bonne découverte !

 


L’ouvrage est disponible sur commande chez votre libraire (10€)
ou sur les plateformes habituelles, notamment l’éditeur www.bod.fr (également en e-book).

 

vendredi 13 novembre 2020

Sans sourire

C’était un cauchemar
il marchait dans la rue
souriant
insouciant
le ventre léger
à peine le poids de quelques injustices
il souriait à la rue
son village lui souriait

Soudain une personne est apparue au loin
sans sourire
elle aurait pu
à distance
mais elle ne souriait pas

Il s’est souvenu que c’était interdit
désormais
la vie était
sans sourire

La personne le croisa
sans sourire
au loin une autre apparut
à distance
sans sourire
elle aurait pu
puis une autre
sans sourire
à distance
et une autre encore
sans sourire
elles auraient pu
à distance
mais elles ne souriaient pas
alors il a perdu son sourire
et a continué son chemin
sans sourire

C’est un cauchemar
il a perdu son sourire
dans son ventre
ça a fait le bruit d’un chagrin silencieux
une plainte lourde comme une colère qui ne peut pas sortir

C’est un cauchemar
d’habitude il se réveille en sursaut
cette nuit il ne s’est pas réveillé
il aurait aimé un dernier sourire
même à distance
personne n’est venu lui en offrir
et sur sa tombe on a écrit

la vie sans sourire
quoi de pire

samedi 26 septembre 2020

Demain des vies

Demain je voudrais filtrer les peaux de vies rugueuses
ne plus grimacer face à leur astringence
Demain je voudrais laisser couler la pulpe des grains ronds de la vie
je laisserais mon corps se tordre et refluer les piquants à l’issue de combats grinçants
Demain je voudrais déguster des vins juteux
des cascades de jus généreux
des vies de splendeurs
des vies lumineuses
Demain je voudrais flirter avec des vies sens dessus dessous
des vies sans dessous
des vies nues
des vies libres
des vie vives
des vies va

 



Texte produit au cours d’un atelier animé par Giss Pinel lors du festival Ma Parole à Crest, inspiré entre autres d’un texte de Lola Lafon.

dimanche 6 septembre 2020

Aller simple

C’était au bout de la route
c’était au bord du monde
après c’était l’inconnu
après c’était infini
fallait pas avoir peur de se salir les mains
fallait pas avoir peur d’embrasser le vide
y avait pas de phare
des récifs acérés comme des sourires de banquier
aucune chance
même avec une bonne néoprène
le mieux c’était de plonger à poil
tu gueules un bon coup
tu fermes les yeux
et tu y vas
pas la peine de compter les arbres qui défilent
tu dévales plein tube
lancé comme une balle
tu verrouilles la cible
le but est simple
aller au bout
sans revenir
tu raconteras à ceux qui auront réussi à traverser
les autres restent sur place
les autres tombent comme des mouches
les autres se noient
les autres leur marchent sur la tète
les autres abandonnent
on verra bien qui arrive de l’autre coté
on verra bien qui a gardé le cap
on verra bien qui a franchi
on verra bien qui est debout
peut-être pas toi

D’un coup on a
d’un coup on a
d’un coup
t’as qu’à voir
d’un coup
alors on s’penche comme ça
d’un coup on avance à tâtons
d’un coup on a
d’un coup on a
des petits bouts de verre dans les yeux
mais on s’en fout on est en vie
alors on avance
en rampant c’est mieux
d’un coup on a
d’un coup
le vent se met à insulter tout le monde
d’un coup
comme t’es seul tu finis par le prendre pour toi
les autres sont devant
peut-être
derrière
ou pas
d’un coup c’est vide et tu tombes
ça n’en finit pas
tu tombes tu tombes tu tombes
tu tombes
tu tombes
tu tombes
sérieux
t’y crois pas
mais tu tombes tu tombes tu tombes
tu t’demandes
c’est quoi c’truc
t’as jamais eu le vertige
mais là quand même c’est abusé
alors tu t’mets en boule
comme ça
tu penses très fort que t’es un œuf
un œuf dur
avec la coquille et tout
t’as vu un reportage qui disait que les œufs durs ça rebondit quand ça tombe de haut et ça s’écrase pas
et tu tombes tu tombes tu tombes
en boule
t’es un œuf
et paf
tu touches le fond
en œuf dur
avec la coquille et tout
l’œuf dit ouf
un truc de dingue
si t’avais pris la forme d’une balle de ping-pong c’était mort
t’aurais fini en omelette
alors tu cries de joie
forcément
mais pas longtemps
parce que ça fait trop de bruit dans la coquille
et là t’es comme une poule qu’a trouvé un couteau
en boule dans ton œuf
coincé
t’as beau essayer
tu bouges pas

Ah non moi non
moi j’ai pas
moi ch’sais pas
moi j’ai senti comme
comme un
comme une
ça faisait
ça tirait
ça poussait
j’avais pas envie
mais j’avais pas l’choix
c’était malgré moi
et à la fin
après plein de
et de
j’ai rien compris
ch’suis arrivée là

Tous des branques
on voit bien que vous z’êtes que des amateurs
vous autres les moins que rien
z’avez rien dans le buffet
faut prendre le taureau par les cornes
tu le regardes dans les yeux
tu l’affrontes
tu le défies
tu lui montres qui qu’est le maitre
tu le vides de son sang
tu lui coupes les oreilles et la queue
et tu lui bouffes les cojones

C’qui faut pas entendre
on est pas nombreux à traverser
et on est obligé de se farcir des balourds pareil
j’vais vous dire moi comment ça s’passe
tu sens le vide
il t’appelle
tu déploies tes ailes
tu planes
qu’il pleuve qu’il vente qu’il neige
t’avances coûte que coûte
et à la fin tu te poses
comme une fleur à la poste
de toute façon c’est pas la chute qui compte
c’est le moyen d’y arriver

 

                                                    Le saut dans le vide / Yves Klein

samedi 5 septembre 2020

Un corps de rêve

Si je pouvais être dans la peau d’un autre
mieux
plus
différent
je ne voudrais pas être esclave
je ne voudrais pas être femme battue
je ne voudrais pas être président
je ne voudrais pas être ouvrier spécialisé
je ne voudrais pas être dentiste ni assureur
je ne voudrais pas être
et puis il y a ce grincement au fond de la gorge
je ne voudrais pas être une porte cochère
je ne voudrais pas être un réfrigérateur
ou alors pour de bonnes raisons
je ne voudrais pas être un homme de seconde main
je ne voudrais pas être une plante à tout faire
je ne voudrais pas être un rhume des foins
je ne voudrais pas être un yoyo ballotté au gré des courants
je ne voudrais pas être un tas de muscles sans cervelle
je ne voudrais pas être une pierre sans âme
je ne voudrais pas être une émission de radio en boucle
je ne voudrais pas être un courant d’air
ou alors juste pour

Non mais vous nous voyez
des hommes alignés comme des côtes de bœuf
c’est pas parce qu’on met des femmes en vente sur les bords des routes et ailleurs
un peu de dignité bordel
en attendant j’absorbe
je ne voudrais pas être une éponge
un buvard à la rigueur
mais pas de ceux qui parlent trop
je ne voudrais pas couvrir les craquements d’articulations qui nous guettent
je ne voudrais pas vieillir sans avoir aimé
je ne voudrais pas mourir sans entendre une dernière fois On my shoulders de The Dø
comme si rien d’autre n’avait d’importance
je ne voudrais pas être una bella ragazza
je ne voudrais pas être un tigre en cage
je ne voudrais pas être un gratte ciel au ras des pâquerettes
à moins d’avoir un ascenseur en verre
je ne voudrais pas être un suppôt de Satan
je ne voudrais pas être un évier bouché
je ne voudrais pas être un ongle incarné
je ne voudrais pas être une plage déserte
je préfèrerais être né du bon coté de la frontière
de bonne cylindrée
avec un plumage coloré
des pouvoirs magiques
la bouche pleine
des rêves dans les poches
un ami sur qui compter
des kilomètres de vie sans âge
et pourquoi pas un petit pied à terre en bord de mer

Ah voilà
je voudrais être une cabane dans une forêt profonde
connue de quelques uns et unes
qui de temps à autres consolideraient mes planches
je m’en fous d’être vermoulu
tant que je peux regarder tomber la pluie
et le soleil sécher son petit linge
au pire si je tombe en ruine
je me réincarnerai en jaguar
je marquerai mon territoire de mes effluves
et je trainerai mes taches dans les camaïeux sauvages
le monde pourra bien dire ce qu’il veut
mon existence sera aussi brillante que celle que je mènerais en d’autres circonstances
ni mieux
ni plus
juste différente

vendredi 4 septembre 2020

Prescription surréaliste [ quoique ]

La contorsion du wiz dans le zag
consiste en une altération temporelle
réduite à de vagues sursauts spiralés
ce phénomène lié à de sourdes vibrations parallèles
survient immanquablement entre la douzième et la treizième minute de chaque heure perdue

Les premières observations sont souvent aléatoires voire fortuites
la dégradation du système paralimbohydrique ne manque pas en général d’alerter les praticiens même débutants

À l’issue de l’examen le patient est déclaré bon pour la casse surtout s’il clame son innocence
dans la majorité des cas une diagonale subtilement prescrite suffirait à débarrasser le malheureux de sa défaillance
mais l’opération étant très couteuse
et extrêmement risquée il faut le reconnaitre
la société ne s’encombre pas d’esprits contorsionnistes

Leur élimination est donc convenue discrète et sans douleur
et si d’aventure des contrevenants venaient à se plaindre de leur sort
la menace d’abattre le troupeau règle la question et les récalcitrants rentrent dans le rang

Un simple zest de bergamote
survolé par des oies sauvages
suffit à mettre fin à l’existence d’un individu
légèrement atteint

Pour les plus coriaces
le dimorphisme du zigue de l’Oise
rappelle aux accros qui passent leur temps hors des sentiers battus
qu’il pourrait leur arriver des histoires s’ils continuent à jouer les fortes tètes
en se tenant debout sur une patte
pour singer les migrateurs
et que s’ils refusent de mettre leurs palmes
pour traverser les clous
ça va finir pas leur casser trois pattes
et comme aime à le répéter mon ami Vladimir
si tu gazes pas chaud
c’est pas une raison pour bouffer ta soupe froide
dans ta case à Tchoques

Quant au fakir
il préfère danser sur des charbons ardents
que de se saouler à l’ouzo avec une gueuze
à moins qu’il n’ait la loose et s’isole
sur un ilot sans lit
tant qu’il ne s’enlise pas vers Douz
alors qu’il voulait Ouarzazate
et mourir

Quoi qu’il en soit le zigue finit enfin finalement en toise
que les oiseaux le survolent
ou pas
avec ou sans adresse
la voie administrative reste inchangée
aérienne bien sûr
quoique
l’intramusculaire reste possible
tant que le condamné accepte de se retrousser les manches
après tout il en va de l’équilibre du monde
si tout allait à vau l’eau
les plombs sauteraient en gaz et nous laisseraient in the mouise

Jusque là

Fort heureusement
vous n’avez rien à craindre
vous avez bien lu
jusque là

mercredi 2 septembre 2020

Tranche de vide

Au large des côtes de l’angoisse
la vie a une sorte d’angle mort
de fines blattes chuchotent les murs
écoutent aux portes
complotent avec les parquets
en désordre
dans le noir avide
les heures défilent
imperturbables
gluantes

Les solitaires ne connaissent pas leur chance
se passer d’un manque envahissant est un art filandreux
malgré un sens de l’orientation affuté
le sort perd les navigateurs les plus aguerris
destin piégeux
comment rester sourd à ses appels à l’envi

Les corps s’enlianent
à la recherche d’une écorce
qui ne bougerait pas trop
qui ne prendrait pas feu
qui les laisserait pousser sans heurt
ils lui apporteraient quelques parfums de poèmes
pour apprendre à lui dire je t’aime
leurs cœurs s’envoleraient
sans crier gare
ou pas trop fort
pour ne pas faire sursauter les trains
ils les suivraient en cliquetant des pattes
en désordre
sans se soucier de l’angle mort

La tragédie ne vaut rien
la vie l’emporte


 

mercredi 26 août 2020

Que jamais ne cesse

Démarrage
un pied
l’autre
tendons tendus
pensif

Les membres s’allongent
masse en mouvement
automate
balancier

Debout tu marches
assis tu crèves
couché t’es mort

L’allure prend de l’amplitude
l’ampleur s’assouplit
les muscles s’élancent
le corps en équilibre
debout tu avances
assis tu t’ennuies
couché tu dors

Tu t’es réveillé à la naissance avec une de ces envies de marcher
depuis tu marches
si t’avais des sabots tu galoperais
si t’avais des roues tu pavanerais sur les Champs-Élysées
si t’avais des ailes etc.
mais t’as des pieds
alors
debout tu marches
assis tu bosses
couché tu comptes
des étoiles plein les yeux

Entre deux pas
tes hanches ondulent
sur cinq cordillères
d’une croche noire
à une crête blanche
tes pieds foulent les touches de sentiers lumineux
la poussière et le sable caressent tes plantes
tes branches s’élancent vers les cieux

Parfois quand même
t’as des briques dans le ventre
ça pèse toujours les injustices la honte et le cynisme de tous ces insatiables diviseurs esclavagistes comment peuvent-ils encore se regarder dans la glace

Toi jamais ne te lasse
de passer tes doigts
dans des nuages à franges
couché dans des lits d’anges
ou sur des bancs arc-en-ciel
tu rencontres des femmes debouts
dont les voix t’enchantent
d’autres assises
qui savourent un repos rare
près d’enfants couchés
peut-être est-il trop tard

Des pieds dansent
sous le tilleul
les guiboles en accordéon dans la poussière
sautillent sur les cordes d’un violoncelle
ton cœur est en fête
dans ses volutes de fin d’été
entre ses bras
tes pas s’allongent
tu pourrais trainer là longtemps
assis debout couché
sans briques sur l’estomac
sans lendemain
ni hier
que du maintenant
dans la sueur d’autres danseurs
les parfums d’autres danseuses
insouciants insouciantes
dans l’air
des sourires accrochés aux lampions
dansants dansantes
avant d’aller se coucher
un ballet en marche
un pas
l’autre
tendons tendus
attentifs
les silhouettes se croisent
corps suspendus

Si seulement t’avais une catapulte
t’enverrais tes tas de briques
sur les destructeurs de tous bords
violeurs en tous genres
briseurs de vies
casseurs de rêves
pour les ensevelir sous tes monceaux d’écœurements

Et que jamais ne cesse
la valse des cœurs chauds


vendredi 7 août 2020

Ne rien ferai

Aujourd’hui
j’ai réussi à ne rien ferai
demain j’ai plongé dans la sieste
c’est délicieux
je bouquinerai d’abord
rien de sérieux
une sorte de promenade digestive
j’aurais compris si
avant je n’ai rien promis
un temps
soit peu
grand-chose
à n’y pas compter
un espace restreint
une attente si
du peu pour beaucoup
un passé recomposé
en un clin d’œil
une récolte passagère
ma pêche miraculeuse
j’irai à mon pas
personne n’y croire
je pense que je revécu cet instant
à chaque

dimanche 2 août 2020

Le baiser du poulpe

Qui es-tu pour me caresser de si près
qui es-tu pour m’inciter à réinventer
depuis quand as-tu
sur moi jeté ton dévolu
que cherches-tu
la tendresse tu l’as
l’attention tu l’as
que t’offrir encore

Qui suis-je pour t’effleurer sans cesse
qui suis-je pour te détourner de ta routine
la roue tourne
j’ai gouté ta peau
tu as senti la mienne
que m’offres-tu encore

De nouvelles dimensions
tu me guides
passerelle
tes arbres porteront leurs fruits
va-t’en semer d’autres graines

Je lis tes souvenirs de poulpe
ton histoire m’en apprend autant sur la mienne
ma peau se couvre de ventouses
je cours le monde du bout des tentacules
de leurs gestes langoureux
mes bras feuillètent tes pages
irrésistiblement je m’approche
me laissant enlacer

Les jardins peuvent attendre
rien ne peut les atteindre
les fleurs fanes
d’autres viennent
les nuages passent
les oiseaux ne s’en soucient guère
les graines qu’ils mangent
comptent autant que celles qu’ils laissent
les unes les font décoller
les autres s’enterrent
un jour leur tige perce la surface
un parfum s’en échappe
sans laisser de trace
un souvenir fugace

Qui peut prétendre être inoubliable
le poulpe aux huit mémoires
se rappelle-t-il de son premier oursin
et l’ardéchois de sa première châtaigne
les corps portent les cicatrices de leurs piqures
le cœur garde ses déchirures
ça n’empêche pas les jardins de pousser
tant que des larmes les arrosent
des bouquets s’épanouissent
leurs pétales racontent
à qui veut les entendre
des boniments
pour faire patienter les papillons
toujours prêts à voleter d’un nectar à l’autre
mais personne ne s’y trompe
la dernière goutte du plus doux des miels
s’évapore un jour

Poulpe tu me happes
je plonge dans ta mémoire
poisson clown dans une anémone
je récolte des miettes de conversation
sous ton œil pulpeux
tes âges palpitent
agités de courants pleins de vies
je les écoute toutes
connecté à tes ventouses de poulpe qui se livre
je nage dans tes songes
je surfe sur tes plages

Où brasses-tu poulpe
vers la lumière des eaux superficielles
vers des questions sans fonds
vers des courants tortueux

Emmène-moi poulpe
qu’importe où
vers des rencontres fortuites
faites de boucles
de spirales
d’accélérations dans les loops de ton grand huit
tes bras solides et souples
pattes manches et ailes à la fois
tu signes à chaque atterrissage une empreinte d’étoile

 

jeudi 30 juillet 2020

Juste un regard

Elle n’est encore qu’une enfant
pourtant elle porte déjà un visage de femme

Elle se souvient des voix du quartier des rires des enfants des marchands ambulants des boutiques parfumées des étals des bouchers
Elle se souvient de cette vie qui coulait de ces jeux avec ses sœurs de la naissance de son frère

Elle pense que les choses auraient pu continuer sans la folie des grandes personnes sans la bêtise des hommes
Elle pense à ses amis disparus
Elle pense que les jardins qu’elle visitera n’auront jamais la saveur de celui qu’elle arrosait avec son grand-père

Elle connait la peur qui a détruit le sourire de sa mère la peur au ventre de son père la peur qui ronge et rouille les corps et les ruines

Elle sait qu’entre ses oreilles les fracas résonneront longtemps
Elle sait que tout le miel ne suffira pas à adoucir les plaies

Parfois elle rêve de silence

Un photographe la regarde
Elle aimerait voir la photo
Trop tard la voiture démarre

Elle sait que si on les arrête sur cette route
de son nom
personne ne se souviendra





Texte produit à partir d’une photo de Stanley Greene, au cours de la journée slam-poésie animée le 30 juillet 2020 au Centre du Patrimoine Arménien de Valence.

mercredi 22 juillet 2020

Réponse à un texte sans queue ni

Oui bin si
vois tu donc
j’avoue
qu’est qu’y dit
ça va ou bien
certes l’un n’empêche
en même temps
nous ferons tout ce qui
car la valeur n’attend
et mon bip c’est du poulet
dans le doute
les mêmes mais en rouge
sans que rien ne
tant que va la
j’ai les abeilles
morteeeeel
bernique
et c’est le buuuuuuuuut
après dissipation des brumes matinales
ho la purée d’sa mère la
qui vole un œuf
passe ton bac d’abord
y en a des biens
à tous les coups
la semaine des quatre jeudis
il parait que les anglais
j’ai même un ami d’origine
superman met bien son slip par-dessus
les volets c’est mieux en
c’est pas une raison pour
quand les poules auront des
t’as parlé ou t’as
des clous
ho la guigne
t’es sur ou tu crois
non mais des fois
ils l’ont dit à la
je te l’demande
tu vois quand je veux faire ça bin j’peux pas
y nous ont collé un parking en plein
de quoi faire grincer
sans compter
alors qu’à la
j’leur ai dit sans sourcils
t’façon ça lui pendait
qu’est ce qu’y faut pas
j’t’avais dit à droite
à la moindre alerte
j’vous l’mets quand même
c’est ni fait ni à
de toute façon je vous en
rendez vous en terre
elle a des mains de velours dans des gants en fer blanc
du jaune à la rigueur
quand je pense à tous ces
QUOI vous l’avez pas vu le dernier
une baffe passe encore
y zont acheté un saint bernard
toutes les mêmes
au cas où
une langue de vipère oui
c’est toujours la même chose avec toi
sa sœur l’a plaqué
et les trottoirs c’est pour les
le même joueur rejoue
en général je dis bien en général
mais tu le fais exprès ou t’es c
rien que d’y
j’en ai la
tout un art
dans le genre on fait
c’est pas tes échalotes
j’ai encore perdu mes
hier j’ai fait 50
demain je fais la face nord
sans moi t’es qu’une
rien qu’à te
n’oublie jamais ça
c’est bon là
cuilà y s’prend pas pour dla
allez un suppo et au lit

mardi 21 juillet 2020

Sans queue ni

Oui bon non
ou alors peut-être
mais ça n’empêche
rien que d’y
on n’a jamais
à moins que
quoi qu’il en
il avait pas
c’est dingue
y a plus qu’à
en fait
entre temps
du coup
t’as qu’à voir
genre
brisé menu
on la r’fait
grave
trop pas
comme si c’était
à n’y rien
mais je t’avais bien
et ta sœur
t’avais qu’à
plutôt que
sans compter
avec tout ça
il s’en est fallu
un sang d’encre
comme un gant
à plus savoir qu’en
comme s’il en
au rebond
dans le mille Mimille
à chaille
encore un peu
encore un peu
encore un peu
à en baver des ronds de chapeaux
comme des grenouilles dans un ruisseau
tant qu’il est
au temps pour
après j’dis pas
sauf que là
autant ne pas y
tout d’travers
rien de bien qui
avec tout
jusqu’à la
ventre à terre
bas les pattes
au pied j’ai dit
t’es pas un peu
sens dessus
les mains dans les
à travers
autrefois
hors des clous
bien mal à quoi
jamais entendu parler
comme une caille saoule
tellement merveilleux
mais tu commences à me
soit dit en passant
les pieds poites
autant que faire se peut
à la volée
entre quat’zyeux
sur le fil
au coq hardi
belle à en
pauvre comme bob
tais-toi quand on
la vie la vraie
dès que j’ai du
z’avez pas cent
l’aut’jour soir
fier comme un
accroché à son
manquerait pu qu
plein aux as
des étoiles dans les
mais où va l’
au pire c’est mieux
j’ai pas dit mon dernier

dimanche 19 juillet 2020

Il a fallu

Il a fallu y aller
il a fallu venir
il a fallu du temps
il a fallu tenir

Pour où aller

Qui s’en soucie

Peut-être ce bleu

Sans doute était-ce eux
ces va-t’en voir
qui m’appelaient
ces malaxeurs de boues
qui m’appétissaient
à mêler ma sueur
à leurs sillages

Il a fallu les entendre
patiemment
se laisser mener par le bout du nez

Il a fallu des tremplins
il a fallu des chutes

Il a fallu revenir
le cœur plein d’ampoules
les ongles encrassés de larmes

Il a fallu trouver les courants
il a fallu relire les tensions
il a fallu rebrancher les prises
remonter les ruelles
rebrousser les eaux vives
faire péter les emprises

Alors la bouche s’est ouverte
le son est parti tout seul
une furie
porté par l’intuition du vent
enfoui dans les vaisseaux de bois
et le sang a coulé
des racines à la cime

Depuis
il y a tant de chuchotements
tant de confidences
tant de caresses

Il n’a pas été nécessaire
de leur faire une place
chacun a trouvé un coin
peau à peau
bouche à bouche

Alors le temps a lâché les vannes
le goutte à goutte a laissé passer la vague
et des digues encore
des vides
rien pour les arrêter

Il a fallu du temps
pour y plonger
il a fallu ces quelques notes
écouter

Je n’irai pas pulser sous vos balcons
vos fenêtres méritent mieux
j’irai mâcher mes mots
avant de les cracher
j’irai sentir doucement
avant de craquer encore
quelques croutes du bout des pieds

Pour où aller




Texte produit au cours d’un atelier animé par Florentine Rey lors du festival de poésie Voix Vives à Sète, inspiré d’un texte de Fabienne Swiatly.


La langue

Les mots
cherchent la langue
goûtent les sons
derrière les dents
dedans la bouche
lèchent les couleurs
tapissent le palais de lueurs

J’ai illuminé mes molaires
dans une partie de langues en l’air
à m’en claquer l’émail
comme une palette d’huiles sur vitrail
des gouttelettes plein les yeux

Des vagues à main nue
des rides de plages
sous les trottoirs craquelés
comme dans toutes les villes portuaires
où les langues se mélangent
où les cuisines se mouchent
d’une narine à l’autre
d’une rive à l’autre
d’un rêve en regard
d’un clin de langue
à une chute de mot
tel un impromptu
une rupture sans contour
au détour d’une peau
à poils ou à plumes
des mots tatoués sur les os
des notes fleuries sous les bras
des femmes toutes voiles dehors
des hommes surs de leurs caps
mais elles n’ont pas leurs langues dans leurs poches
et eux n’en perdent pas une manche
avec leurs sourcils comme des palmes

Des corps encore
encore des corps
qui marchent
qui dansent
dansez les corps
dansez encore

Pour ventiler les places
et faire claquer les zincs
pour ventiler les langues
et faire tinter les sourires
pour ventiler les étoiles
et accrocher des ailes
pour ventiler les regards
et offrir des balcons
à la langue

samedi 18 juillet 2020

Les goélands de Sète

Les goélands se plaignent de la houle
les goélands se prennent pour des poules
les goélands font les coqs
bec en l’air et cou tendu
ils lancent leur râle après un petit élan guttural
tôt le matin
les goélands te glissent sous leur aile
pour te pulser leur troublante litanie

Là où vivent les goélands
les autres oiseaux ont moins de place
les goélands occupent les trottoirs les toits les places
ils avalent tout ce qui leur passe sous l’œil
même les pigeons n’en font pas autant
les goélands sont des oiseaux des égouts comme les chats de gouttières
leurs rires gras inspirent parfois le dégout
alors qu’ils sont les princes des mers

Les goélands sont beaux quand ils se taisent
à peine atterris
ils rangent leurs grandes ailes sur leur dos
pliées repliées et repliées encore
puis lissées d’un expert coup de bec

Les goélands sont beaux quand ils se taisent
et quand ils s’envolent
c’est pour exprimer toute la grâce de leurs ailes
alors dans leur silence

notre inspiration décolle

samedi 11 juillet 2020

La nervure des feuilles

J’ai écrit à la nervure des feuilles
des mots nerveux
avant de grimper aux branches noueuses
du premier arbre venu
j’en suis devenu moussu
revenant à mes aïeux
la nature m’a retenu
malgré mes ratures

Tout en rayures
je zébrais les cieux
avant d’ouvrir les murs
pour naviguer à flot de veines
au courant de sèves vives et nues
avides de sérénité
et rassérénées de vide
soustraites au silence
par des lanceurs d’alertes
susurrant de simples sentences
sentant le vent se taire
vers de plus amples mesures
offertes à des plantes mobiles
en attente de grands airs

De ces temps pointillés
rien ne m’est resté
aurais-je seulement
compris un tant soit peu
mais hélas
aucune lumière n’est venue
éclairer ma rue

Si tel avait été l’éclat
je serais rentré au port
les cales chargées de reconnaissance
quand d’autres cherchaient encore
prêts à tout
à vendre pères et mères
nul autre ne saurait résister
si seulement si

Si seulement si
je me souvenais
de ce que contenait l’espace entre ces pointillés
la petite aiguille ralentirait
la grande prendrait son temps
le coucou ne courrait plus
le bois chantant
le charme se moquerait de cette trouvaille
comme de sa première cerise

Car il est bien là l’avantage de nos frères de fibres
ils ne vivent pas seulement pour eux-mêmes
leur sens de l’écosystème prime
au point qu’ils finiront par nous empêcher de nuire
à coups de branches s’il le faut
à nous enraciner sous leurs troncs

mardi 7 juillet 2020

Le vent

Strié de cigales
et de maracasseries de pies
le vent m’enveloppe de ses baisers si

Au-delà des colonnades
au-delà des cannonades
au-delà de la coursive

De sa voix chaude et vive
le vent m’emporte

Fut un temps le feu brûlait
fut un temps le feu follait
la mèche attisée par les deux bouts
au moindre souffle
la forêt n’était plus que cendres

Le souffle a pris un autre cours
un rythme plus fleuve
moins torrent
débordements fertiles
cultures arrosées de crues
les chuchotements ont remplacé les cris

Au-delà des îles
au-delà du temps
je glane çà et là des empreintes
laissées par le vent


Petit aperçu des mouvements inspirés par le stage théâtrure et écritarte coanimé avec Mathilde Girardey les 6 et 7 juillet 2020 à la maison Saint-Joseph à Allex.

jeudi 25 juin 2020

Voici mes fruits #3

Du muret minus
aux nuées de stratus
voici mes fleurs
minérales herbeuses et moussues

En lisière de paix
au pied d’une colline
touffue de petites feuilles sans gêne
voici mes fruits
des arêtes et des courbes
généreuses effilées

Au loin les falaises s’effeuillent
le Vercors s’écorce
comme une île
coiffée de nuages en choux-fleurs
un futur orage d’été

Du minus aux stratus
l’éclair a jailli
fendu la pierre
rompu la paix

mercredi 24 juin 2020

In trees we trust *

C’était si évident
Pourtant je n’y avais jamais pensé
Le peuplier
Dressé dans sa verte vigueur
Vibrant de la tête au pied
Avec son cœur de bois palpitant
Sculpté de toutes ces vies rencontrées
Le peuple y est
Enveloppé dans son écorce accueillante
Embrassé par ses branches grandes ouvertes
C’est lui c’est si évident
Avec ses racines entremêlées à celles des copains
S’il le pouvait il sauterait dans le premier train
Pour aller danser dans le vent
C’est lui c’est évident
Avec ses feuilles chantantes
Des histoires comme des fruits
A portée de mains
C’est lui le grand raconteur
Celui qui coud la vie
Avec les cicatrices du temps
C’est lui c’est si évident
Le slameur qui conte avec les mains
Tomtom l’unique
Petit Tom le grand


* Spéciale dédicace à un grand ami slameur à qui j’ai emprunté ce titre !

samedi 20 juin 2020

Voici mes fruits #2

Un bec en scie à métaux
cisaille le silence

La lumière dicte des ombres
dessine une enveloppe sur mesure
pour révéler les saveurs enfouies

Voici mes fleurs
vagues chantantes
à l’écume des cimes

Une histoire qui s’étire
voici mes fruits
des souvenirs de brume

Aux pieds des géants
l’espace se pose
dans un repos d’herbes et de vent

La vie se hisse
en trilles voluptueuses
à fleur de souffle

mercredi 17 juin 2020

Deuxième envol de CLAC !

Mercredi 17 juin 2020, quelques auteurs (mesures sanitaires obligent), se sont réunis pour partager de vive voix les textes de CLAC ! au parc du Bosquet à Crest.

Une présentation publique sera organisée plus tard pour partager ce bel ouvrage où dialoguent des textes vivants avec les photos de notre ami Ilsen.

En attendant, vous pouvez passer commande auprès de Jeremie Korolitski (labelamethyste@gmail.com) 20€ pour 80 pages d’émotions, de poésie et de délectation, c’est un beau cadeau !

Merci pour leur présence à Claudine Capillon, Jérôme Planas, Isabelle Ducros, Chantal Thévenet, Anne Le Guillou, Françoise Lagravière, Florian Grézat, Pierre Richez, Jean-Pierre Bouleau, Anne Chapon et Jérémie Korolitski.
clacFranLagraviere
clacJPbouleau

mardi 9 juin 2020

1ère distribution de CLAC !

Mesures sanitaires obligent, nous n'étions que quelques auteurs à partager de vive voix les textes de CLAC ! vendredi 5/6 sous les arbres du parc de la MJC Grand Charran. Prochaines volées de CLAC ! la semaine prochaine à Crest pour les auteurs encore une fois.

Promis, nous trouverons un moment pour une présentation publique de ce bel ouvrage où dialoguent des textes vivants avec les photos de notre ami Ilsen.

En attendant, passez commande auprès de Jeremie Korolitski (labelamethyste@gmail.com) 20€ pour 80 pages d'émotions, de poésie et de délectation, c'est un beau cadeau !


Merci pour leur présence à Frédérique Metzler, Anna Fisher, Laurence Dunaud, Ina Wak, Jeremie Korolitski, Isabelle Ducros, Claudine Buis, Marie-Claire Lhotte, Nathalie Debert et Ilsen

#textevivant#recueildepoesie#livrephotos#80pagesdebonheur#amoureuxdesmots

lundi 1 juin 2020

L’impasse

Mu
tant par envie
que par peur du monde
son corps glisse mollement
telle une onde

Au cours fluide et lent
bien décidé à saisir
dans ses replis muqueux
toutes les crasses à la ronde

Son ombre racle les bases
se repait de vase
couvre sa peau verruqueuse
de cette boue glaireuse

Pour revêtir des jours meilleurs
cherchant son reflet ailleurs
le sournois se satisfait de son surmoi
une image bien faite
nette et guillerette

Sous tous ses angles
il se trouve une tète d’ange
pourtant
la forme ne sublime pas le fond
le ventre plein de bouse
la bête éructe et bave
triste épave

Pris dans ses débats lourds
la pesanteur retient son cœur
malgré un ciel sans nuage
après dissipation des brumes matinales
il reste puant l’animal

Les arbres le regardent passer
vibrant de peine et de rage
ils reconnaissent ce pauvre présage
leurs branches ne peuvent l’embrasser
leurs racines ne peuvent l’apaiser
leurs fruits ne peuvent le réjouir

L’âme à la traine
la bête succombera douloureusement
à tout ce qui la freine

jeudi 14 mai 2020

Au ventre du monde

Enfermé dehors
je me réfugie
comme un piment dans une mangue

Claustré au ventre du monde
le rameau est dans la colombe

Le jour pointe ses notes bleues
la pomme d’or prend des reflets de feu
bientôt lui pousseront des ailes
l’arbre attend cette étincelle
où ses branches vrombiront de l’envol
de toutes ces porteuses d’oboles
il se réjouira de les voir partir
vers de nouveaux empires
c’est un peu de lui qui poussera
là où ses pépins s’épanouiront
heureux et fiers
jeunes rameaux pleins de vie

Mais le vers est dans le fruit
il a rongé les pépins
un à un
puis la chair et la peau
insatiable
il a recommencé
encore
encore
pépin après pépin
pomme après pomme
laissant le silence envelopper l’arbre

Plus rien ne vrombit
la liberté s’est évanouie

mardi 12 mai 2020

Au défilé des heures perdues

Les heures défilent
au son de la fanfare
au pas
comme à la parade
si le temps était à la danse
au fauteuil d’orchestre
poste d’observation de choix
au défilé des heures perdues
l’air pourrait être doux
mais il est amer
tout ce cérémoniel
est si ridicule
je capitule et récapitule
la situation m’étreint

Je la connais la musique
je le connais ce chemin
mon cœur s’élève au chant du merle
rejoint le vent dans les feuilles vert tendre
nous flottons sur les cimes
chacun posé sur sa branche
nous voudrions faire corps
mais qui le pourrait vraiment


Mon petit voisin dans son costume noir passe la matinée à vocaliser dans le jardin. De sa voix orange et flûtée il colporte les ragots de tout le quartier. Parait que la mère Michel a perdu son chapeau. Parait que le père Lebref a oublié son pépin. Comme il a plu ils ont pris l’averse sur le bout du nez et se sont enrhumés. Et ça, ça le fait bien marrer mon petit voisin dans son costume noir qui passe la matinée à vocaliser.

Les racontars me passent au dessus
mais j’aime bien être au courant
alors je suis celui de la rivière
elle me parle dans sa langue translucide
sa simple vérité coule en moi
j’ouvre les yeux et vois clair
les petites manigances
les vils profits
tourbillonnent en surface
certaines vielles berges détournent le regard
à la faveur d’un méandre
mais je sais qu’en aval
loin du tumulte des pensées torrentielles
de larges rives observent


Le fleuve déborde
la terre l’absorbe

Finalement
le flot se perd toujours dans l’océan
au creux des vagues
surgit une ile
j’échoue sur ses cotes ténébreuses
les vagues me reprennent
je m’agrippe à mon ilot
je gratte
je gratte
je n’arrête pas de gratter
mais ce n’est pas de la terre sous mes ongles
c’est moi
je gratte pour me fouiller
je me fouille
je voudrais aller au fond de moi
gratter encore
ouvrir une brèche
me desceller pierres par pierres
ouvrir un passage assez grand
me faire tout petit
m’immiscer sous ma peau
sentir ma fibre palpiter
écouter mes rythmes
suivre mon pouls
rejoindre mes pulsations intimes
me connaitre de l’intérieur
jusque dans mes alvéoles les plus sombres
au-delà de mon cœur de chair et de sang
trouver la planque de mon égo
le brosser dans le sens du poil
l’embrasser comme un vieux frère
le laisser pleurer sur mon épaule
le moteur continuerait de tourner
l’esprit sait garder raison

De toute façon
à la fin
l’âme s’envole
rejoint l’éther
reprend racine
s’attarde en salamalecs
grimpe les étages en courant
jaillit dans les cimes
et sublime la matière en lumière
pour diffuser son or
puis la musique reprend
ailleurs
autrement

vendredi 24 avril 2020

L’instant tanné

L’instant frise le vide
déambule au bord du précipice
à un cheveu du décollage ou de la chute

Sans lutter contre les incertitudes
l’instant plonge dans le cauchemar
navigue en eaux saumâtres
la vue embuée de pellicules gluantes

La porte a claqué
les clés sont à l’intérieur
pas de retour possible
canapé et pantoufles restent au chaud
il faut avancer coûte que coûte

Risques d’orages sur tout le parcours
l’épreuve sera une calamité
pourtant c’est un défi d’enfant
les éclairs seront des chatouilles
le déluge un postillon

Seul un enfant est capable de relever le gant
l’instant va se frotter à la bravade
l’instant va se faire tanner le cuir
l’instant va connaitre le goût de la poussière
l’instant va craquer au premier round
vaincu par ko

Adulte passe ton chemin
tu ne peux rien pour l’instant ni contre
monte sur le ring et tu seras expulsé à travers les cordes
aucun doute
tu finiras avec tes rêves aux oubliettes

Seul un enfant croit suffisamment
pour agir sur l’instant
l’enfant n’a pas conscience de tuer le temps
en dehors de l’enfance point de salut
l’instant te tue

Tente de te jouer de l’instant
tente de te faire passer pour plus petit que toi
plus petit que plus petit
plus petit que plus petit encore
insignifiant même
l’instant te repère

Tente de détourner son attention
tente la patience
tente la fuite
rien n’empêche les iris de faner

Toute ta vie tu cours après l’inaccessible
ton enfance perdue
ton pouvoir sur l’instant
l’instant court sur le fil
l’enfant le coupe
qu’est-ce qui reste

vendredi 17 avril 2020

Haut les masques

Le confinement t’en as plein les dents
malgré la brosse à reluire
ça t’empêche de sourire
à t’en péter l’email
alors tu te tailles
pas les veines
ce serait pas de bol
trop décevant de lui laisser la part belle

Pis tu penses à ceux qui en meurent
à ceux qui les soignent
tu te dis que pour eux
faut pas craquer
tu leur dédicaces tes petites évasions
tu ravales ta colère
tu te passes la langue sur les molaires
tant pis si ça colle
faut vivre avec

Pis on s’en fout si tu souris pas
ça dérange qui si tu grises mine derrière ton masque
l’avantage de ce connard de virus
c’est de nous donner de vraies bonnes raisons de nous plaindre
ça réveille nos bas instincts
on voit finalement très bien même masqués
nos fragilités nous explosent à la figure
on ne peut rien se cacher
enfin on peut accéder à un peu plus de sincérité

Tu fais la gueule aujourd’hui
ouais j’en ai ma claque de rester enfermé
plein les basques de ces masques
ras le ponpon de ces tiens bon
ras la cafetière des nananères
et maintenant qu’on a applaudi ceux qu’on avait laissé tombé depuis si longtemps
on pourrait applaudir ceux qui d’habitude nous soignent autrement

S’il vous plaît les théâtres salles de concerts médiathèques MJC cinémas musées
ouvrez vos portes
faites tomber vos murs
sortez vos artistes
vos jongleurs
vos danseuses de tous poils
mettez vos livres dehors
sur les troncs vos tableaux
sur les façades vos projos
avec ou sans sono
les instruments dans la rue
sous nos fenêtres

À vos masques
approchez troubadours
approchez approchez
promis nous garderons nos distances
venez nous jouer la sérénade
danser la sarabande
déclamer de la poésie
racontez-nous des histoires
faites-nous rêver

Nous remplirons vos chapeaux
sortez de vos jolies vidéos
offrez-nous de nouveau votre spectacle vivant
du beau du bon du bio
nous vous couvrirons de vivats et de bravos

mardi 14 avril 2020

Les caprices de l’humanité

L’humanité ne manque pas d’air
pendant que certains émettent leur dernier souffle
d’autres continuent de nous le pomper
l’humanité est un enfant gâté
qui n’a pas l’habitude qu’on lui dise non
pendant longtemps
tout a été à dispo
tout à dispo
tout à dispo
soudain
tout a disparu

Le temps était là
l’espace la santé la famille les amis l’amour la joie
l’argent même
bien sûr pas pour tous
certains plus que d’autres
depuis le début
tout à dispo
tout à dispo
et pfffuit
tout a disparu

Alors l’humanité gâtée crie et se roule par terre
tout à moi
tout à moi
chacun son yacht
chacun sa villa sur la côte
capricieux votre vulgarité confine à l’indécence
le partage égal est un leurre tant que certains en veulent plus
le partage équitable pourrait convenir si chacun prenait sa part
raisonnable
mais nous voulons toujours plus d’amour
plus de santé
plus de famille
plus de plus de plus de

L’humanité gâtée en demande toujours plus
l’humanité gâtée grandira quand elle aura appris à prendre le temps
à apprécier ce qu’elle a
à vivre avec ceux qui l’entourent
à se contenter
à partager
à aimer
sans rien attendre en retour
l’humanité grandira quand nous aurons accepté la métamorphose
tout à dispo
tout à dispose

Notre monde n’est pas une marchandose
nos corps ne sont pas des marchandises
la terre n’est pas notre esclave
l’humanité progressera quand nous cesserons de considérer que tout nous est dû
tout à dispo
tout à dispo
tout à dix pour cent oui

Je rêve que chacun mesure sa chance de vivre
que chacun reconnait la valeur de ce qui lui est offert
que chacun apprécie ce qu’il est
sans envier l’autre
sans passer son temps à compter ce qui lui manque
en prenant sa part sans en demander davantage
tout à dosage
tout à virage
tout à mirage

Alors la vie reprendra peut-être ses droits
les hommes apprendront peut-être à s’aimer
les adultes écouteront enfin les enfants
ils se laisseront apprivoiser
les anciens seront de nouveau traités dignement
l’humanité parlera aux arbres et aux dauphins
l’harmonie sera à portée de main
chacun cherchera encore à répondre à ses besoins vitaux
tout à gogo
tout de go
tout doit disparaitre

Chacun reconnaitra ses manques mais ne cherchera plus à les combler
en pillant son voisin
en violant la nature
en asservissant chaque plante et chaque créature
en s’acharnant à atteindre l’efficacité
tout à dispo
tout à l’égo
tout à l’égout

Alors seulement
la vie rependra son cours tranquille
comme avant
comme avant que notre surconsommation et nos dépendances ne viennent tout corrompre
en attendant commençons par dire non à l’enfant gâté
qu’il apprenne que tout ne lui est pas dû
tout à dispo
tout a disparu
tu as dit par où
tout est dit
tout est là
et je vais commencer par moi

dimanche 12 avril 2020

J’ai plongé dans la glycine

J’ai plongé dans la glycine
ça peut sembler facile
si ça l’était
nous serions plus nombreux
à brasser dans les parfums mauves
avec les abeilles

Il faisait nuit depuis longtemps
l’eau restait fraiche
malgré l’air épais
les pollens saturaient les filtres
à en brouiller la vue

Les coassements me parvenaient encore
les ondulations des anguilles lézardaient les murs
les grands arbres s’ouvraient à la lumière
je restais dans l’ombre

Le cœur de la pierre s’asséchait
ses battements sourds répondaient mal aux secousses du défibrillateur
le courant avait été coupé
seuls quelques spasmes réflexes
arythmaient ça et là
en direction de vains espoirs

Il faisait nuit depuis longtemps
mais une seule onde suffit
une courbe légère
un inattendu sourire vibrant
et la pierre se fendit

Le cours des choses revenait
fleurissant les rives d’aromes
annonçant des aurores paisibles
et des bains veloutés
l’aube se couvrait de lueurs pâles et soyeuses
puis revêtit ses atours de fête pour ouvrir le bal
ivre de danse elle me gardait dans ses bras
une île sans amarres
un frisson d’éternité

Enfin le jour se leva
comblé de lumière
enchanté de voix chaudes
les oiseaux les avaient précédées
j’avais oublié leur langue
j’avais oublié les paroles du lilas
la glycine me les rappela

Il faisait nuit depuis longtemps
je plongeai dans la glycine
le cœur vivant



vendredi 3 avril 2020

Tu ne sortiras point

Quand ils t’ont enfermé
tu as pensé qu’il y avait erreur
tu leur as dit que tu étais innocent
et les murs te l’ont répété
l’injustice t’a poignardé dans le dos
mais sachant que d’autres subissaient le même sort
et que certains étaient carrément mis à mort
tu as décidé de rester digne
oublié l’évasion
organisé l’incarcération
la feuille de route était tracée
tu tiendrais le temps que la sanction soit levée
d’autres ont bien été embastillés
ça ira ça ira ça ira

Tous dans le même cachot
chacun le sien
chacun chez soi
des millions de cellules sans contact
le corps dispersé
la fission solitaire
sensation similaire à cette première fois où tu vois une tombe se refermer
tu graves les jours sur la paroi du mitard
ne sachant pas quand tu pourras de nouveau sortir

embrasser ceux que tu aimes
oh bien sûr la cage est dorée
mieux que la santé
repas maison
promenade auto-autorisée
connexions téléphoniques électroniques énergétiques spirituelliques mais plus rien de physique
ta tête te répète d’arrêter de râler
alors tu te tais
tu t’élèves
change de point de vue ou crève
tu résilies résilies résilies
tu bailles
tu te laisses endormir
espérant que tu te réveilleras
content de constater que ce n’était qu’un cauchemar
mais tu n’as pas rêvé
la fiction est bien réelle
on t’a rogné les ailes
tu peux faire le beau du haut de ton pigeonnier
contente-toi de roucouler

Roucouler
reculer
c’est peut-être la nouvelle façon d’avancer
depuis que le printemps est arrivé
les aiguilles se sont arrêtées
pour certains définitivement
pour d’autres le non-stop les a remplacées
pour toi c’est le black-out
tu sais plus où t’en est
t’as tenté le yoga le yoyo les réseaux les skypéros les abdos en ligne et même ressorti ton banjo
mais tu sers à quoi coco

Les couleurs s’estompent
jusqu’ici elles gardaient leur éclat
les nuances vacillent
les notes s’affadissent
il était illusoire de penser
que la mémoire serait préservée
les souvenirs les plus précieux
les moments uniques
la bête les salit
ces cadeaux inestimables
ton cœur se recroqueville et les renie
cet éclat de sourire dans un scintillement marin
ces envols
ces atterrissages
tout s’aplatit
les pages de l’album brûlent joyeusement
et dans les cendres ne restent que des fleurs de souci

Adieu passé révolu
bienvenue esprit neuf
sans bagages
pour un voyage sans encombre
disparaissez vicieuses attaches
hors de ma vue
poudre aux yeux
qu’espérer encore de vos traîtres charmes
ne connaissez-vous que les plaisirs sadiques
comment vous reconnaitre au premier regard
pour ne plus subir vos basses manigances
j’aimerais vous broyer
pourtant je sais que vous êtes inébranlables
j’aimerais réduire votre haine en poudre
la diluer dans de l’huile ou de l’eau
et raviver les couleurs ternies
pas votre patine jalouse

Et voila que tu parles tout seul
en étalant sur les murs
ta confinementure
pour tenter de faire taire l’écho

N’oublie pas que
quand tu sortiras
rien n’aura changé

À part toi

jeudi 2 avril 2020

Je pèle

Depuis que je suis lézard
je desquame
ça me rapproche du bouleau
qui perd son écorce en lambeaux
ma peau s’effiloche
en pelures
quand elle tombe
il y a de l’écho
bye bye l’égo
le tronc finit à poil
nu comme une noix de coco

Ces cuticules qui s’éclipsent
rejoignent les petits bouts de bois secs
qui jonchent mes racines
et celles de mes semblables
sur les tapis de nos feuilles mortes

En dessous nous papotons
avec les champignons
et l’air de rien
nous aspirons
ce que la terre nous offre

Je sens la sève monter dans nos veines
ça glougloute dans nos tuyaux
ça remonte le long de mon dos
j’en frissonne de l’échine
ça frémit jusque dans mes branches
pointées haut
vers la lumière
quel bonheur de transformer la matière

Toutes nos feuilles applaudissent
on s’ébroue de plaisir
les petites peaux continuent de pleuvoir
oubliées les mesquineries
les turpitudes
la soupe à la grimace
les taches et les traces
la récolte de petit bois sera bonne
de quoi alimenter de grands feux de joie

Autour s’installent
les anciens
les amis
les fratries
c’est beau tous ces feux dans la nuit
les uns racontent des histoires
les autres chantent
tous perdent la mémoire
oublient les peaux perdues
ne conservent que l’essentiel

Ô éléments
Ô espace
Ô temps
dépecez-moi
que seule demeure
la flamme
que seule m’habille
la vie

mercredi 1 avril 2020

Dans le temps me dissoudre

Le jour où j’ai glissé dans le sablier
je n’ai pas réalisé immédiatement
dans quel engrenage je mettais les pieds
je ne me souciais pas plus de l’heure que de ma première aiguille
le fil m’emportait

Un temps je croyais le porter moi-même
mais bientôt je déchantais
je m’enfonçais dans le sable
sans savoir où cet engloutissement me mènerait

Heureux d’avoir pratiqué quelques heures d’apnée
je remontais parfois à la surface
pour reprendre souffle avant chaque descente
plongées en exploration
aux différents rythmes d’écoulement du sablier
 2/4 à la blanche
tranquille
 3/4 à la noire
au pas

au pas
 4/4 à la croche
au trot

au trot
au trot
 6/8 triolet
les pieds dans le tapis
le nez dans la plage
du sable plein les dents

Ne pas se laisser abattre
reprendre les gammes jusqu’au perfectionnement
la maîtrise était proche
c’était sans compter sur l’accélérateur de particules bien connu des explorateurs de sablier
aspiration vertigineuse
perte de repères
échec

Retour à la plage départ
craché à la surface
prêt à replonger
tentatives
espoirs
rechutes
same player shoot again
sûr que d’autres seraient plus agiles
mais l’extra balle est si temps-tente

À force
j’ai cru pouvoir déjouer les pièges du temps
passer entre les courants contraires
à travers mes torts
mais je me suis retrouvé dans l’entonnoir
aspiré dans le goulot d’étranglement
el flaquito est resté coincé un bon bout de temps
quasi étouffé
le corps aux arrêts

La comprenance a pris le relais
un peu de beurre et de contorsion
rien n’y faisait
une seule solution
s’égrainer
bingo
je suis passé
de l’autre coté
retour à la surface
reprise de souffle

Je pourrais continuer longtemps ce petit jeu
comme un poisson dans l’eau
me dissoudre
le sable est si doux sur mes écailles
et si j’apprenais plutôt à lézarder au soleil
j’en profiterais pour réguler mes temps-et-ratures

lundi 30 mars 2020

Make fleuve not war

Près de chez moi
la rivière caresse les rochers
le courant ne cherche pas à les déplacer
la force de l’eau est de contourner les obstacles
bien sur elle érode lentement les berges mais ce n’est pas intentionnel
elle ne fait que passer

Nous ne faisons que passer nous aussi
le temps de ce passage
difficile d’admettre que notre cours puisse influer maladroitement sur notre environnement
voire blesser inconsciemment

Souvent l’eau laisse les agressions de coté
mais si on l’arrête sans raison
face au barrage
la rivière déborde
elle entre en crue
contrainte et forcée
cherche une issue
poussée par son élan naturel
suivre son cours en paix

Au plus fort du débordement
les dégâts peuvent être considérables
une caravane décapotée par un pont
une petite fille sur un toit au milieu d’une mer boueuse qui monte
qui monte

L’acharnement de l’adversaire à vouloir combattre n’est que la recherche d’une réponse justifiant sa colère
mais la hargne peut être contagieuse
peut-on apprendre à laisser les éléments s’agiter à leur guise
plutôt que systématiquement chercher la maîtrise

La rivière préfère consacrer son énergie à abreuver les champs
déposer de fertiles limons
regarder les graines germer
contempler les fleurs
partager les fruits

S’il vous plait lorsque j’rai embrasser mes ancêtres
réincarnez-moi en ruisseau
en attendant je vais travailler mon sens de l’esquive et l’art de l’éclaboussure
je finirais peut-être par apprécier mes clapotis
sans doute davantage que de claquer autrui
avec un peu d’entrainement j’arriverais à ne plus sortir de mon lit
juste illuminé de grands éclats de rives

samedi 28 mars 2020

Une belle journée

Le jour se lève avec amour
des baisers plein les tartines
des câlins à la framboise
et du café chaud
les aboiements s’éloignent
scories de cauchemars oubliées
je secoue l’oreiller pour le débarrasser de ces pellicules insignifiantes
les clés en profitent pour s’enfuir avec pertes et profits
la journée sera belle
au soleil entre amis

Cette nuit nos chaussures ont dormi à l’intérieur
fini le temps des pestiférés
la vie a laissé filer quelques importants
la mort a aussi emporté son lot de nuisibles
le bal a rouvert ses portes
nous reprenons la danse
d’un pas léger je quitte le bitume

La nuit fut longue
déchirée de cris et de larmes
dont le ciel ne garde aucun souvenir
le sentier s’ouvre à nos nouveaux élans
rien ne presse
je prends le temps d’un regard en arrière
les éclosions font des claquettes sur le plomb fondu

De nouveau l’appel du muezzin retentit
le vent m’apporte des nouvelles de sa meilleure amie
elle revient d’une expédition lointaine
ses empreintes sont encore fraiches sur le sable
je m’enveloppe de cette soyeuse caresse
la promenade s’annonce sereine
la compagnie se remet en route
avec ses satellites
ses inséparables
les gourmands
les inquiets
les aventuriers
les contemplatifs
les joueurs
les rêveurs

Bien malin qui prétendrait savoir où nous allons
qu’importe
la destination est sans intérêt
personne n’a l’intention de s’attarder
les pauses sont suffisantes
pourquoi les faire durer davantage que le temps de cuire le pain
désormais rien ne nous oblige à manger à table
notre nourriture est en route
chaque enjambée nous offre sa part de joie
saupoudrée tantôt de feu
parfois de bois
le chant des porteurs de plumes épice notre ballade
chacun joue sa note basse ou flûtée

C’est décidément une belle journée
rien ne l’entrave
les uns la poursuivent tranquillement
les autres aussi
les obstacles nous évitent
les vulnérables veillent sur les plus forts
nous avons bien fait de sortir sans parapluie
l’averse a fait naître tant de fleurs

mercredi 25 mars 2020

L’anchois

Vous connaissez cette acidité salée
ce goût à la limite du supportable
chacun a ses dégouts
le mien c’est l’anchois
le contraire du choix
cette aigreur
cette amertume
cette amer tue mes décisions
il peut arriver d’être indécis
voire de regretter certains choix
il existe même des individus qui ne peuvent pas choisir
trop insupportable pour eux de devoir renoncer
parfois on subit les choix des autres
pas le choix

Comment réagir lorsque des choix s’imposent
sans que l’on puisse s’y opposer ?
vous n’aimez pas les anchois mais il n’y a pas d’autre plat
entre la peste et le choléra
vous choisissez quoi ?
tête brulée ou pas d’ça chez moi ?
la position du décideur n’est pas forcément la meilleure
celui qui subit la décision peut toujours reprocher à celui qui a décidé
ce dernier doit assumer de forcer l’autre à choisir les anchois
quelle alternative ?
l’anchois est-il évitable ?
a-t-on toujours l’anchois ?
si l’anchois n’existait pas pourrait-on s’en passer ?
par quelle autre voie passer ?

Les itinéraires bis
les sorties de sentiers battus
tant de possibilités de se perdre et de vivre en avant
à l’inverse des renvois que provoque l’anchois
ce poisson sans issue qui ne mène à rien à part au dégout
souvent on se range du coté de ce que nous offre la vie
tellement plus sage d’accepter ce qui vient
que de se borner à attendre d’être satisfait de tout en vain

La situation actuelle si exceptionnelle nous oblige à avaler des couleuvres
saviez-vous qu’anchois signifie dans un vieux patois "celle qui danse sur tes cendres"
les anciens employaient cette expression lorsqu’une personne se réjouissait du malheur des autres
on parlerait aujourd’hui de manipulatrice ou de perverse narcissique
le genre d’individu précédé par son haleine de poisson mort
une personne qui refoule et qu’on reconnait de loin
au boucan que font les casseroles qu’elle traine derrière elle
nous en croisons tous
de ces infâmes girouettes

Certaines sont suivies par des batteries de cuisine pour mijoter des sales coups
d’autres planquent leurs chaudrons
dans les coins sombres de leur personnalité en queue de poisson
et préparent en ricanant à gros bouillons des poisons pour distiller de fausses informations
qui s’insinuent dans nos esprits
comme une arête se coince dans la gorge à en étouffer

Leur point commun ?
changer d’avis
changer d’idée
prendre des décisions et en changer comme de chemise
au gré du vent
ne cherchez pas à les convaincre ni à les comprendre
elles sont toujours persuadées du bien fondé de leur position
qu’elle prétende la vérité ou son contraire
on ne peut jamais se fier à ses fientes fuyantes
restons sur nos gardes
vérifions nos sources
les sales petits poissons sont toujours prêts à mordre

Profitons du confinement pour nous tenir éloignés de ces bestioles dégoutantes
les dégouts me donnent des plaques
et vous ?