Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

mardi 19 décembre 2023

Face au miroir

Penché sur cette image à l’envers, je m’observe tête en bas, pas tout à fait net avec les mouvements de l’eau. Je me penche plus près pour y voir plus clair… et PLOUF ! Je tombe dans l’eau. En-dessous, tout défile à contresens. Je remonte le temps, je revois mon passé, mes joies, mes peines, mes erreurs et je comprends. Jusqu’à présent je n’ai été que le reflet de moi-même, le négatif de mon portrait. Il est temps que l’orignal reprenne la place de la copie. Je remonte à la surface, je m’ébroue et je souris à la vie.


Peter Doig – Reflection

(what does your soul look like) 1996

lundi 18 décembre 2023

J'aimerais autant autant pas

Spéciale dédicace à celles et ceux qui aiment écrire des textes sales
aux autres qui n'aiment pas les entendre
et aux bien pensants et pensantes qui n'en disent pas moins comme moi

J'aimerais te tatouer de la poésie sur la peau
Sans hésiter
Graver des histoires et des vers entre chacun de tes pores
J'aimerais autant t'écrire une lettre d'amour avec des rimes en ule
Que de scier une pendule
Parce que sous tes poils poussent des râles aux rives de tes émois
Mais pourquoi écrirais-je seulement des mots lisses ?
Alors que la police me laisse
M'exprimer sans mollesse
J'aime autant vivre sans laisse
Pas toi ?
Tu n'as jamais rêvé de sortir des clous ?
De montrer tes fesses ?
Comme disait ta grand-mère
Chie dur
Chie mou
Mais chie dans le trou

J'aimerais cracher sur tes mots
Déchirer tes phrases
Éviscérer tes verbes
Pendre tes paragraphes à leurs tripes
Les agrafer à des mats enflammés
Je contemplerais la cuisson de tes fascinations morbides
Pas pour leurs obsessions provocantes
Mais pour leur texture
Cette saveur grinçante
Comme ces enfants qui aiment jouer à se faire peur
En écoutant leurs os craquer

Autant je trouvais douteuses tes œuvres acérées
Autant j'apprécie leur tranchant

J'ai envie de lacérer tes textes perclus de crampes
Sentir leurs ligaments se tendre jusqu'à céder
Dissoudre leurs fibres à la bile
Poser mon oreille sur les crispations de leurs cœurs
J'ai envie de danser sur les arythmies de tes proses couvertes d'ecchymoses
Lécher leurs sueurs froides
Griffer leurs carapaces de mes ongles ébréchés
Pour le bonheur de salir leurs réputations si précieuses

Une bonne torture de ta plume
À l'ancienne
Dont j'arracherais les barbules à pleines dents
Je ne mâcherai pas tes mots
Je les avale tout cru
Sans les savourer
La dégustation c'est pour les mous
Bouffer des chapitres c'est pour les durs
J'en bave des miettes
Pas de quoi couper la faim
Quoique ce serait si craquant de conclure sur un malentendu
J'aimerais autant

J'aimerais autant pas
J'aimerais autant pas paniquer
Pas paniquer devant toi
Prendre des airs détachés
Sans souci
Léger
J'aimerais autant
T'oublier
Écraser le poids de tes mots
Le plomb dont tu cribles mes ailes
Mais je ne peux qu'écouter
Et laisser s'écouler dans mes veines
Le mercure de tes doutes qui montent
L'amertume de tes revanches
Les chaînes de ta conscience que tu traînes sans retour
J'aimerais autant pas
J'aimerais autant pa sser mon chemin
Rester à quai quand tu cales
J'aimerais autant te laisser à tes errances
J'aimerais autant

 

  

 

vendredi 15 décembre 2023

Émotions écrites

Vous cherchez un moyen d'exprimer vos émotions ?

Ce recueil invite les amateurs de mots à plonger au cœur d’une écriture sensible. Émotions écrites rassemble une quarantaine de propositions d’écriture permettant de jouer avec les émotions et les rêves.

Pour plus d’informations ou pour passer commande et faire le plein d’Émotions écrites (100 pages, 10€ + frais de port) contactez-moi au 06 64 97 94 84 ou par mail energieplume@gmail.com

Émotions écrites est également disponible sur commande chez votre libraire préféré ou sur le site de Books on Demand https://librairie.bod.fr/em
otions-ecrites-benoit-houssier-9782322518227

 

 

vendredi 28 juillet 2023

Pulsions textuelles

Heureux de vous présenter Pulsions textuelles, un recueil de nouvelles qui rassemble six histoires de personnages au destin singulier.

Au cours de ces vies, il est question de maltraitance, de violences faites aux femmes, d’écologie… avec parfois un grain de folie.

L’ouvrage est disponible sur commande chez votre libraire préféré et en ligne (90 pages, 7€ + frais de port)

Plus d’infos sur le site de Books on Demand.

 


vendredi 16 juin 2023

Burn in shine out

À la suite d'une formation avec David Basso, j'expérimente la vidéo à mes heures perdues. Pour la fête de la musique, je me suis offert un petit air de Rossini pour accompagner un de mes textes. Merci pour votre indulgence, je débute...
 

 

Changement de rythme
Comme un cataclysme

Coup de frein à main
Tu passes de tout à rien

Plus rien ne presse
Quel stress


Dopé à l’efficacité
Ton activisme est à l’arrêt
Ton corps Ton esprit Ton âme
Tout en toi réclame
Encore de la came


De la performance
En perfusion
T’étais en transe
T’as perdu le son
T’entend plus les tam-tam
Les clics clics
Tout ce ramdam
Là où régnait la cadence
La vie n’a plus de sens
Porté par le groove
Tu étais dans l’mouv’


Il se shootait au taf
Pourrait être ton épitaphe


Même épuisé t’en r’demande
Tes cernes pendent
Mais tu veux ta dose
Douze heures à la tâche
Sinon t’explose
Comme une bombe H


burn burn

burn burn

burn burn

burn out



C’était l’bon temps
Des s’maines de ouf
Toujours partant
Top on the roof
T’enchaînais les heures
Comme des battements d’cœur
Doigts incrustés
Dans le clavier
Sous le pouvoir hypnotique
De ton écran magique
Tu faisais corps avec la machine
Ta meilleure copine
Branchés H24
Rien ne pouvait t’abattre
Pas même le boulot
On n’arrête pas les pros
T’aurais pu continuer longtemps
Pas l’choix évidemment
Pourtant un matin


Ton œil est tombé


Comme un patin


Tu l’as ramassé


Depuis quelques jours il tremblait
Tu n’y as pas prêté attention
Aucune notification
Tu continuais d’avancer
Coûte que coûte
Pas le temps
Aucun doute
Toujours en avant


Mais

le lendemain
Il y a eu ta main
Elle s’est fait la malle
Sans laisser d’adresse
Sans politesse
Que dalle
Ton cerveau a cherché la fuite
Ton cœur a pris la suite
Ton monde bien huilé sentait le roussi
Ton inspiration a cherché la faille
Tes pieds refusaient de marcher aussi
On aurait dit un train qui déraille


burn burn

burn burn

burn burn

burn out



Était-ce l’époque les astres les autres
Non seulement tes tocs un désastre
Ta vie pas la nôtre
Ton ventre a implosé
Plus rien ne te retenait
Telle une loque
Tu as fait pok


Un moment tu es resté flasque
Tu as tombé le masque
On ne te voyait plu
Tu avais disparu
Absent dans l’oubli
Inactif et sans amis
Reclus et atone
Tu n’étais plus personne
Hier à fond
Aujourd’hui au fond
Tu ne pouvais pas tomber plus bas
Pas même la force d’un cancrelat


Un temps tu t’es morfondu
Tu as cru en ta déchéance
Mais même les plus perdus
Ont encore une chance


Un matin va savoir pourquoi
Ton corps a rebondi
Tu n’étais plus toi
Une métamorphose comme on dit
L’impulsion a été brève
Peut-être était-ce un rêve
Lentement tu t’es laissé remonter
Comme un gaz préhistorique
Dans une couche oubliée
Du trias ou du jurassique
Et tu as poussé ton 1er cri
Celui de ta nouvelle vie


C’est maintenant que tout commence
Tu vas découvrir ce monde immense


shine shine

shine shine

shine shine

shine out




 

dimanche 4 juin 2023

La fête des arts dits

Aujourd’hui c’est la fête des arts dits
des Murmures de l’onde
c’est un dimanche pardi
au Grand Charran, pas à Trébizonde
ça m’enthousiasme
comme un concert de Marin Marasme
à la viole de gonde
nous y verrons Jerem Bond
et Kriss Lalonde
une belle bande de fêtards
quelques-uns un peu bizarre
ça va pas être une sinécure
ils vont nous étaler leur conficulture
si vous vous sentez vraiment hardis
venez sur scène crier Vive Aldi
ou murmurer votre belle écriture
portée par vos ondes vagabondes
et ronde et ronde petit patabonde
calquez votre art
foutez l’bazarre
pour la fête des arts dits
faites pas votre phasme
venez en batiscasme
et n’attendez pas lundi
pour entrer dans la ronde
des Murmures de l’onde 

 



mercredi 24 mai 2023

Mon petit carnet

Ce matin je me suis réveillé avec la bouche pâteuse. Hier, j’avais trop abusé de la pâte à papier. Comme j’avais égaré mon téléphone, avec lequel j’aime parler, parce qu’il a la langue bien pendue, j’ai soufflé mes mots à mon petit carnet. Sur mon stylo, un oiseau s’est posé. Il a tourné sept fois sa langue dans son bec, puis, la bouche en cœur, il m’a dicté un poème en langue des oiseaux. Nous y avons passé la nuit. À la fin, il avait le bec sec et je suis resté bouche bée. Malheureusement, je ne pourrai pas vous déclamer ce qu’il m’a offert, parce que, comme j’étais mal réveillé, au lieu de tremper ma tartine dans mon café, c’est mon petit carnet que j’ai mangé. Quant à l’oiseau, il s’est envolé.

 



Le lieu de mon poème #3

Mon poème m’enveloppe
il éclot à chaque chant d’oiseau
aux stridulations du fleuve le soir
à la lune montante
il hulule dans ma bulle

Mon poème fait des clins d’œil au soleil
de chaque nuage il s’émerveille
des sourires d’enfants
et des souvenirs défunts

Mon poème puise sa sève dans la vie
il palpite comme ces méduses qui chorégraphient les eaux
mon poème est aux cimes
mon poème est aux abysses
aux déserts
aux forêts
aux pierres
et aux petites et grosses bêtes qui peuplent les champs

Il m’enveloppe dans ces savoureux royaumes
comble mes nuits
égaye mes jours
s’invite à la table de nos amours

Je le bois à petites gorgées
ou à grosses lampées
selon les humeurs
il m’arrache parfois des larmes de crocodile
ou me brise le cœur
quand il me raconte des mondes sans avenir

Mon poème m’habite, m’habille et me transporte
il est mon squelette, ma peau et ma voix
il se faufile partout
tant que je lâche sa bride
il file au vent
claquant fièrement ses pieds
quel tempérament

Mon poème est dans cette fenêtre
à travers laquelle j’entends
la conversation des oiseaux
ils se racontent ce que disent les nuages
ils me bercent de leurs commérages

Parfois pourtant leurs voix tremblent
lorsqu’ils rapportent quelques rumeurs
l’un pleure sur la guerre
l’autre gémit sur la Terre
alors je ferme les volets
sourd aux pépiements du monde

Et je rejoins mes rêves d’ailleurs
des rives meilleures
les séjours ne durent pas
les photos jaunissent
seuls les murmures des vagues
me rappellent à la réalité

Les embruns s’évaporent
des sourires se croisent
et la vie remonte son cours
sans se soucier du sens ni du temps



lundi 22 mai 2023

Mes racines

Mes racines sont joyeuses
mes racines sont copieuses
joueuses
généreuses
nombreuses

Mon histoire est certes ancrée dans un terreau
mais surtout liée à des héros
ceux de mon enfance
celles et ceux qui ont jalonné mon existence

Mes ancêtres m’ont semé
et j’ai germé
puis poussé
sous l’œil bienveillant de mes aînés
toujours là pour moi
Oh bien sûr nous nous sommes chamaillés
mais les plus grosses bêtises
je ne peux que les assumer
Si j’ai quelques cicatrices à l’écorce
c’est à moi que je les dois

Puis j’ai décidé de me déraciner
j’ai regretté un temps
plus maintenant
J’ai lancé mes racines ailleurs
à l’Est
au Sud
dans la nature et dans le cœur
J’ai poussé encore
près de mes semblables
ils m’apportent tant
Mes racines parcourent la Terre
mes racines sont solidaires
parfois solitaires
elle plongent dans le désert et en pleine mer

Mon cœur est empli de sève
nourri de rencontres durables ou brèves
mon écorce s’est épaissie
mes pulsations varient
mes branches se solidifient
Ces dernières années j’ai commencé à récolter mes fruits
leurs graines s’enfoncent parfois elles aussi
j’apprends à les laisser s’enraciner
avec ou sans moi

Un jour je serai abattu
par le temps, le vent ou la vie
mes racines me succéderont un peu
et mes restes nourriront de nouveaux venus
mon âme vibrera peut-être encore
et mon esprit s’échappera
quelle importance
j’aurai bien vécu

J’ai rencontré tant d’enrichissants individus
grâce à eux mes racines puisent ce que mes yeux ne trouvent pas dans les nuages
pourtant il m’arrive de plonger mon regard dans de gros stratus
comme si ma vie s’enracinait dans un humus
Mais à bien y réfléchir
mes racines ne plongent pas qu’en haut ou en bas
elles fusent dans toutes les directions
tentaculaires
et je me souviens que je ne suis pas un arbre
mais un poulpe



© photo Julien Arnal

mercredi 10 mai 2023

Nouveau monde

 

L’autre jour, j’ai reçu un appel :

- allo ! Monsieur Houssier ?

- oui... bonjour...

- je vous appelle pour vous annoncer une bonne nouvelle : votre nouveau monde est arrivé !

- pardon ?

- oui, à la suite de votre commande, nous allons vous livrer dans la journée. Pouvez-vous me confirmer votre adresse s’il vous plaît ?

- bien sûr, mais je n’ai rien commandé.

- désolé Monsieur, mais notre serveur est formel et le livreur est en route. Peut-être avez-vous oublié, mais il y a quelques jours, vous vous êtes plaint que, je cite "vraiment tout va de travers ! S’il n’y tenait qu’à moi, les choses iraient bien mieux que ça ! Je commanderais un nouveau monde, ce serait vite réglé" ; fin de citation. Or, comme vous n’aviez pas décoché la case "Mes désirs sont des ordres", en acceptant les conditions générales de vente de votre nouveau téléphone, l’algorithme à validé la commande... voilà voilà.

- mais, mais, mais, j’ai dit ça en l’air, je ne veux rien changer du tout ! Je dois pouvoir annuler cette commande, non ?

- hélas Monsieur, le délai de rétractation étant passé, l’ancien monde va disparaître dès que vous aurez reçu le nouveau et nous espérons qu’il correspondra à vos désirs.

- mais comment pouvez-vous connaître mes attentes ?

- Hé bien, en compilant vos recherches sur internet, vos emprunts à la bibliothèque, vos achats en carte bleu de ces 25 dernières années, vos loisirs, les destinations que vous avez parcourues, et les opinions que vous avez émises en public et sur les réseaux, en sachant que vous êtes un homme blanc presque quinquagénaire, né au siècle dernier, nous avons préparé un monde à votre image. Je vous serai d’ailleurs reconnaissant de prendre un instant lorsque vous aurez reçu votre commande, afin de répondre à notre questionnaire de satisfaction.

- bon, je vous prie de m’excuser, mais cette plaisanterie a assez duré, je vais raccrocher, et je ne vous salue pas. Biiip !


Pffff... J’espère que c’est une blague parce que sinon on va passer notre temps à raconter n’importe quoi, à se balader au bord de la mer, à manger des huîtres et du chocolat, à vivre passionnément, à s’aimer tout simplement, et je ne suis pas sûr que ce soit du goût de tout le monde... bref, je vous laisse, ça fait trop longtemps que je ne suis pas allé danser !

 


 

Nouveau monde en vidéo :

 https://drive.google.com/file/d/1LN809GIikwbFgQ0sRLFa76n5NN5Y3_WQ/view?usp=sharing

samedi 6 mai 2023

Leçon de vie

C’est un bâton
c’est une brindille
ça ne bouge pas
ou alors à tâtons

un coup de vent
et ça part en vrille
quel mystère
est-ce un fantôme
est-ce un fantasme
non c’est le phasme

chez cet animal
à première vue
point de langue
des gestes pourtant
légers
délicats
une danse
lente
oscillante

le phasme parle avec les mains
prend des airs italiens
quand il mange ses pâtes
il ne met pas les coudes sur la table
ni ne coupe les cheveux en quatre
le phasme ne parle pas la bouche pleine
il ne parle pas non plus pour ne rien dire
lui

le phasme a le mot discret
il n’a pas la langue de bois
il manie la langue des sages
quand il montre la Lune
on regarde son doigt

le phasme est un ermite
qui nous rappelle qu’on n’a que ce qu’on mérite
comme son cousin le caméléon
il disparaît pour nous aider à saisir
les évidences qui nous échappent

tendez l’oreille humains ignorants
les paroles du phasme sont rares mais riches
à 50 ans
si t’as pas entendu la voix du phasme
ta vie ne vaut pas plus qu’un sarcasme

 

© aquaportail

Parole de plume

Ma parole
la bouche en cœur
le mot à la bouche
la bouche en cul de poule
je l’ai sur le bout de la langue
la langue bien pendue

Toutes ces expressions accrochées à mes lèvres
font frétiller les papilles de mon stylo à bille
avec son petit sourire en coin
il salive sur la page
tentant de graver son ramage
un stylo qui donne de la voix peut paraître étonnant
pourtant j’en connais beaucoup qui se lèchent le babines
à l’idée de noircir quelques lignes
le mien se lisse les plumes avant de décoller
mais parfois il reste au ras des pâquerettes

Qu’importe le carnet à mon stylo
pourvu qu’il ait l’ivresse
il lui arrive même de mentir et d’user de sa langue de vipère pour médire
il s’écoute souvent
beau parleur
comme si sa parole était d’or
alors que je l’aime autant quand il dort
son petit capuchon posé sur la tête
couvant en silence sa bille d’argent

Il rêve alors
à la langue
ah ! La langue
à la longue
elle pend jusqu’à mes tongs
à force de jongler
avec les mots
avec les phrases
avec emphase
les bras m’en tombent
ma langue reste muette
comme une mouette
ma langue goûte et partage
parfois elle s’emballe
pas toujours sage

La tourner sept fois ?
Pour quoi faire ?
Ce n’est pas un moulin à paroles
gardez-vous bien de lui imposer un rôle
ma langue traîne parfois des pieds
voire recule
mais c’est pour mieux sauter
bondir d’un chant à l’autre
rouler des mécaniques
ou danser sur d’autres continents
bras dessus bras dessous
avec mes oreilles
à la rencontre de sonorités ensoleillées
ou caverneuses
elles vagabondent rêveuses
admirent des voix de cornemuses
bavardent et s’amusent
savourent en claquant du palais
comme des talons dans la poussière
la langue a des accents de vie éphémère
sa contemplation est un jeu
qui ne s’arrête qu’en la donnant au chat

 

mercredi 26 avril 2023

Les origines du monde

D’abord il y a cette petite bulle apportée par le vent
l’enfant la suit du regard
son œil se reflète sur la surface irisée
l’enfant tente de l’attraper
la bulle éclate
un des éclats touche l’œil
et l’enfant pleure
blessé et vexé
il pleure tant
que la pluie est née
le niveau monte
et bientôt la mer porte l’enfant
elle le berce
il sourit
ils se lient
lui à elle
elle à lui
il se sent moins seul
elle est ravie
tous deux nagent dans le bonheur

Mais bientôt l’enfant a faim
alors d’une île jaillit la voie lactée
si abondante que l’enfant est rassasié
reput il s’endort
et de ses rêves s’échappent des nuages
tous prennent des formes variés
des hippocampes se mettent à hennir
des copains à applaudir
des fleurs éclosent en bouquets
et l’enfant sourit aux anges
dans son sommeil

À son réveil il se redresse
saute sur ses pieds
il est un homme à présent
et décide qu’aujourd’hui il va inventer la musique
en nageant, les flic-flac de ses bras et jambes donnent le tempo
quand il accoste, le vent dans les palmes ourle la rive
et des oiseaux trompettent à son arrivée
le jazz est né
l’homme se met à chanter
et d’autres chanteuses et chanteurs le rejoignent
ensemble ils se mettent à danser
et quand ils sont fatigués
ils s’accordent pour dire qu’il n’y a rien de mieux à faire
et la création du monde est terminée

 


Je t’écris un trésor

Je t’écris pour te dire juste cette petite évidence
il n’y a pas que les étoiles qui dansent

Dans un petit carnet où tu notais la pluie et le beau temps, une graine a germé
Je t’écris pour t’en remercier


Je t’écris de cette tempête où nous aurions préféré ne pas être
et pourtant nous en sortons plus grand peut-être

Je t’écris sur une carte d’embarquement
dans les turbulences d’un décollage qui a vécu longtemps
nous étions partis nombreux
nous sommes revenus séparément
sans regret et avec des étoiles plein les yeux

Parfois je repense aux nuages de Magellan
à la Croix du Sud
et aux volcans
je t’écris de cette terre lointaine
où j’ai rempli mes poches de feuilles de hêtres
de mangues et de gongs
Je t’écris du sol au plafond
du sable sous les tongs
comme si je me dépoussiérais après le big bang
Je t’écris du bord de l’arc-en-ciel
le trésor n’est pas caché
il est à nos pieds




lundi 24 avril 2023

Mes mains

 

D’abord le revers

Pas le coup droit

Parce que ma main n’est pas une raquette

Et de toutes façons je suis gaucher

Gauche un peu aussi

Mais recentrons-nous


D’abord le revers

Parce que j’ai envie de la poser à plat

Devant moi

Reposée

Détendue


Ma main droite est posée devant moi

Avec ses doigts sa peau ses veines ses tendons ses articulations

Détendue jusqu’au bout des ongles

Quelque chose palpite dedans quand même

De la vie qui boue


J’ai envie de voir ce qu’il y a en-dessous

Une paume

Ouverte

De texture et de couleur différentes du revers

Plissée de lignes qui se croisent


À l’intérieur de ma main

Il y a un vallon

Des cours d’eau au pied des collines

Quand je fais un creux et que je la porte à mon oreille

j’entends l’eau couler


Si je penche

Le torrent accélère

Et à bien y regarder

Si je penche encore

l’eau tombe en cascade du bord de ma main


Je récupère l’eau dans le creux de mon autre main

Ça tombe en cascade

Et je ne peux plus écrire

Alors je rééquilibre ma paume

L’eau récoltée retourne à la rivière

Et je la laisse couler


Elle coule sans bruit maintenant

Comme l’encre sur ma page

À part le frottement de la bille de mon stylo qui donne de petits coups sur la feuille

Des petits coups quelques traits et des courbes

Tracés par mon autre main


J’aimerais regarder dans cette autre main si le paysage est le même

Mais je ne peux pas car j’écris avec

Ma main ne veut pas lâcher le stylo


Pendant ce temps mon autre main s’est remise à plat

Le paysage a disparu

Mon stylo n’a plus de raison de s’agiter

Ma main le pose

Toutes deux se reposent

 


 

mardi 21 février 2023

lundi 30 janvier 2023

L’Homme idéal du futur

L’homme idéal du futur ne peut pas se passer de sa femme idéale. Lui est tout à ses pensées, elle est sans cesse en action. Ils mangent peu, mais bien, dorment peu, mais bien, etc. Ils vivent dans un monde coloré un peu flou. L’homme idéal du futur s’en fout, préférant le son à l’image. Sa femme en revanche préfère quand les choses sont bien nettes. C’est un peu sa quête. Ensemble, ils mettent au monde un œuf d’où éclot un cheval ailé à roulettes, pratique pour les courses. Ils élèvent leur petit au grand air - enfin, façon de parler, car c’est de l’air recycler ; soyons réalistes l’air pur n’existe plus depuis belle lurette, mais il fait bon vivre sous les bulles d’humanité disséminées dans l’univers. La leur se trouve sur une petite planète tropicale dont l’emblème est la Centaurée. C’est amusant parce que c’est leur fleur préférée. Leurs voisins élèvent aussi leurs enfants dotés de caractéristiques nouvelles qui peuvent paraître étranges à notre génération, alors qu’elles sont d’une grande banalité pour la leur. Par exemple, leur enfant ne restera pas cheval ailé à roulettes toute sa vie, il y a fort à parier qu’il s’oriente vers une voie plus liquide à l’adolescence, comme nombre de ses semblables, avant de choisir une forme humanoïde plus présentable à l’âge de raison. Les enfants sont tellement plein de surprises ! En tout cas, ces capacités que l’on peut qualifier d’audacieuses permettent à la population d’être bien dans sa peau et de s’adapter à tout type d’environnement, aussi hostile soit-il. C’est à se demander comment l’humanité a survécu de façon si médiocre pendant toutes ces années !

 


Collage et texte inspirés du "surhomme" de Prévert dans le recueil Imaginaires.

 

mercredi 18 janvier 2023

Le corps en désaccord

 

C’est comme une clepsydre

il faut dire que le fil est ténu

alors autant ne pas en rajouter


un sablier entre les oreilles

pourtant la toile d’araignée est aussi solide

au bout d’un moment les choses prennent place


le temps s’effiloche

comme du câble d’acier

avec grâce


à peine le temps de vie d’une épinoche

à section égale

je le vois dans ton regard


je suis un chat

donc reprenons

cette petite lueur espiègle


tu es un éléphant

les fluides circulent

qui me chatouille des pieds à la tête


ta mémoire le prouve

les cellules s’invectivent

voilà, c’est ça, une vibration


nous sommes un peu inquiets

jusqu’à un certain point

et je reste persuadé qu’elle n’a pas de fin





Texte rédigé d’une traite, les premières phrases de chaque triptyque les unes à la suite des autres, puis les deuxièmes et enfin les troisièmes, pour une écriture en spirale.

mercredi 4 janvier 2023

Sans retour

 

Le cœur en noyade

s’envole sur l’horizon

enflammé

il devient papillon

danse sa passion

en balance

sur un fil tendu

entre le monde et les émotions


un paysage démesuré

qui ne manque pas d’air

un paysage à couper le souffle


à parcourir une telle étendue

l’esprit s’aplanit

les pensées s’écrêtent


les prières s’envolent

en lévitation

atterrir à quoi bon


il ne reviendra pas

de ces pétillements

ballotté tout tremblant

ne laissera dans la poussière

que son empreinte légère

une accolade

un baiser