Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

jeudi 30 juillet 2020

Juste un regard

Elle n’est encore qu’une enfant
pourtant elle porte déjà un visage de femme

Elle se souvient des voix du quartier des rires des enfants des marchands ambulants des boutiques parfumées des étals des bouchers
Elle se souvient de cette vie qui coulait de ces jeux avec ses sœurs de la naissance de son frère

Elle pense que les choses auraient pu continuer sans la folie des grandes personnes sans la bêtise des hommes
Elle pense à ses amis disparus
Elle pense que les jardins qu’elle visitera n’auront jamais la saveur de celui qu’elle arrosait avec son grand-père

Elle connait la peur qui a détruit le sourire de sa mère la peur au ventre de son père la peur qui ronge et rouille les corps et les ruines

Elle sait qu’entre ses oreilles les fracas résonneront longtemps
Elle sait que tout le miel ne suffira pas à adoucir les plaies

Parfois elle rêve de silence

Un photographe la regarde
Elle aimerait voir la photo
Trop tard la voiture démarre

Elle sait que si on les arrête sur cette route
de son nom
personne ne se souviendra





Texte produit à partir d’une photo de Stanley Greene, au cours de la journée slam-poésie animée le 30 juillet 2020 au Centre du Patrimoine Arménien de Valence.

mercredi 22 juillet 2020

Réponse à un texte sans queue ni

Oui bin si
vois tu donc
j’avoue
qu’est qu’y dit
ça va ou bien
certes l’un n’empêche
en même temps
nous ferons tout ce qui
car la valeur n’attend
et mon bip c’est du poulet
dans le doute
les mêmes mais en rouge
sans que rien ne
tant que va la
j’ai les abeilles
morteeeeel
bernique
et c’est le buuuuuuuuut
après dissipation des brumes matinales
ho la purée d’sa mère la
qui vole un œuf
passe ton bac d’abord
y en a des biens
à tous les coups
la semaine des quatre jeudis
il parait que les anglais
j’ai même un ami d’origine
superman met bien son slip par-dessus
les volets c’est mieux en
c’est pas une raison pour
quand les poules auront des
t’as parlé ou t’as
des clous
ho la guigne
t’es sur ou tu crois
non mais des fois
ils l’ont dit à la
je te l’demande
tu vois quand je veux faire ça bin j’peux pas
y nous ont collé un parking en plein
de quoi faire grincer
sans compter
alors qu’à la
j’leur ai dit sans sourcils
t’façon ça lui pendait
qu’est ce qu’y faut pas
j’t’avais dit à droite
à la moindre alerte
j’vous l’mets quand même
c’est ni fait ni à
de toute façon je vous en
rendez vous en terre
elle a des mains de velours dans des gants en fer blanc
du jaune à la rigueur
quand je pense à tous ces
QUOI vous l’avez pas vu le dernier
une baffe passe encore
y zont acheté un saint bernard
toutes les mêmes
au cas où
une langue de vipère oui
c’est toujours la même chose avec toi
sa sœur l’a plaqué
et les trottoirs c’est pour les
le même joueur rejoue
en général je dis bien en général
mais tu le fais exprès ou t’es c
rien que d’y
j’en ai la
tout un art
dans le genre on fait
c’est pas tes échalotes
j’ai encore perdu mes
hier j’ai fait 50
demain je fais la face nord
sans moi t’es qu’une
rien qu’à te
n’oublie jamais ça
c’est bon là
cuilà y s’prend pas pour dla
allez un suppo et au lit

mardi 21 juillet 2020

Sans queue ni

Oui bon non
ou alors peut-être
mais ça n’empêche
rien que d’y
on n’a jamais
à moins que
quoi qu’il en
il avait pas
c’est dingue
y a plus qu’à
en fait
entre temps
du coup
t’as qu’à voir
genre
brisé menu
on la r’fait
grave
trop pas
comme si c’était
à n’y rien
mais je t’avais bien
et ta sœur
t’avais qu’à
plutôt que
sans compter
avec tout ça
il s’en est fallu
un sang d’encre
comme un gant
à plus savoir qu’en
comme s’il en
au rebond
dans le mille Mimille
à chaille
encore un peu
encore un peu
encore un peu
à en baver des ronds de chapeaux
comme des grenouilles dans un ruisseau
tant qu’il est
au temps pour
après j’dis pas
sauf que là
autant ne pas y
tout d’travers
rien de bien qui
avec tout
jusqu’à la
ventre à terre
bas les pattes
au pied j’ai dit
t’es pas un peu
sens dessus
les mains dans les
à travers
autrefois
hors des clous
bien mal à quoi
jamais entendu parler
comme une caille saoule
tellement merveilleux
mais tu commences à me
soit dit en passant
les pieds poites
autant que faire se peut
à la volée
entre quat’zyeux
sur le fil
au coq hardi
belle à en
pauvre comme bob
tais-toi quand on
la vie la vraie
dès que j’ai du
z’avez pas cent
l’aut’jour soir
fier comme un
accroché à son
manquerait pu qu
plein aux as
des étoiles dans les
mais où va l’
au pire c’est mieux
j’ai pas dit mon dernier

dimanche 19 juillet 2020

Il a fallu

Il a fallu y aller
il a fallu venir
il a fallu du temps
il a fallu tenir

Pour où aller

Qui s’en soucie

Peut-être ce bleu

Sans doute était-ce eux
ces va-t’en voir
qui m’appelaient
ces malaxeurs de boues
qui m’appétissaient
à mêler ma sueur
à leurs sillages

Il a fallu les entendre
patiemment
se laisser mener par le bout du nez

Il a fallu des tremplins
il a fallu des chutes

Il a fallu revenir
le cœur plein d’ampoules
les ongles encrassés de larmes

Il a fallu trouver les courants
il a fallu relire les tensions
il a fallu rebrancher les prises
remonter les ruelles
rebrousser les eaux vives
faire péter les emprises

Alors la bouche s’est ouverte
le son est parti tout seul
une furie
porté par l’intuition du vent
enfoui dans les vaisseaux de bois
et le sang a coulé
des racines à la cime

Depuis
il y a tant de chuchotements
tant de confidences
tant de caresses

Il n’a pas été nécessaire
de leur faire une place
chacun a trouvé un coin
peau à peau
bouche à bouche

Alors le temps a lâché les vannes
le goutte à goutte a laissé passer la vague
et des digues encore
des vides
rien pour les arrêter

Il a fallu du temps
pour y plonger
il a fallu ces quelques notes
écouter

Je n’irai pas pulser sous vos balcons
vos fenêtres méritent mieux
j’irai mâcher mes mots
avant de les cracher
j’irai sentir doucement
avant de craquer encore
quelques croutes du bout des pieds

Pour où aller




Texte produit au cours d’un atelier animé par Florentine Rey lors du festival de poésie Voix Vives à Sète, inspiré d’un texte de Fabienne Swiatly.


La langue

Les mots
cherchent la langue
goûtent les sons
derrière les dents
dedans la bouche
lèchent les couleurs
tapissent le palais de lueurs

J’ai illuminé mes molaires
dans une partie de langues en l’air
à m’en claquer l’émail
comme une palette d’huiles sur vitrail
des gouttelettes plein les yeux

Des vagues à main nue
des rides de plages
sous les trottoirs craquelés
comme dans toutes les villes portuaires
où les langues se mélangent
où les cuisines se mouchent
d’une narine à l’autre
d’une rive à l’autre
d’un rêve en regard
d’un clin de langue
à une chute de mot
tel un impromptu
une rupture sans contour
au détour d’une peau
à poils ou à plumes
des mots tatoués sur les os
des notes fleuries sous les bras
des femmes toutes voiles dehors
des hommes surs de leurs caps
mais elles n’ont pas leurs langues dans leurs poches
et eux n’en perdent pas une manche
avec leurs sourcils comme des palmes

Des corps encore
encore des corps
qui marchent
qui dansent
dansez les corps
dansez encore

Pour ventiler les places
et faire claquer les zincs
pour ventiler les langues
et faire tinter les sourires
pour ventiler les étoiles
et accrocher des ailes
pour ventiler les regards
et offrir des balcons
à la langue

samedi 18 juillet 2020

Les goélands de Sète

Les goélands se plaignent de la houle
les goélands se prennent pour des poules
les goélands font les coqs
bec en l’air et cou tendu
ils lancent leur râle après un petit élan guttural
tôt le matin
les goélands te glissent sous leur aile
pour te pulser leur troublante litanie

Là où vivent les goélands
les autres oiseaux ont moins de place
les goélands occupent les trottoirs les toits les places
ils avalent tout ce qui leur passe sous l’œil
même les pigeons n’en font pas autant
les goélands sont des oiseaux des égouts comme les chats de gouttières
leurs rires gras inspirent parfois le dégout
alors qu’ils sont les princes des mers

Les goélands sont beaux quand ils se taisent
à peine atterris
ils rangent leurs grandes ailes sur leur dos
pliées repliées et repliées encore
puis lissées d’un expert coup de bec

Les goélands sont beaux quand ils se taisent
et quand ils s’envolent
c’est pour exprimer toute la grâce de leurs ailes
alors dans leur silence

notre inspiration décolle

samedi 11 juillet 2020

La nervure des feuilles

J’ai écrit à la nervure des feuilles
des mots nerveux
avant de grimper aux branches noueuses
du premier arbre venu
j’en suis devenu moussu
revenant à mes aïeux
la nature m’a retenu
malgré mes ratures

Tout en rayures
je zébrais les cieux
avant d’ouvrir les murs
pour naviguer à flot de veines
au courant de sèves vives et nues
avides de sérénité
et rassérénées de vide
soustraites au silence
par des lanceurs d’alertes
susurrant de simples sentences
sentant le vent se taire
vers de plus amples mesures
offertes à des plantes mobiles
en attente de grands airs

De ces temps pointillés
rien ne m’est resté
aurais-je seulement
compris un tant soit peu
mais hélas
aucune lumière n’est venue
éclairer ma rue

Si tel avait été l’éclat
je serais rentré au port
les cales chargées de reconnaissance
quand d’autres cherchaient encore
prêts à tout
à vendre pères et mères
nul autre ne saurait résister
si seulement si

Si seulement si
je me souvenais
de ce que contenait l’espace entre ces pointillés
la petite aiguille ralentirait
la grande prendrait son temps
le coucou ne courrait plus
le bois chantant
le charme se moquerait de cette trouvaille
comme de sa première cerise

Car il est bien là l’avantage de nos frères de fibres
ils ne vivent pas seulement pour eux-mêmes
leur sens de l’écosystème prime
au point qu’ils finiront par nous empêcher de nuire
à coups de branches s’il le faut
à nous enraciner sous leurs troncs

mardi 7 juillet 2020

Le vent

Strié de cigales
et de maracasseries de pies
le vent m’enveloppe de ses baisers si

Au-delà des colonnades
au-delà des cannonades
au-delà de la coursive

De sa voix chaude et vive
le vent m’emporte

Fut un temps le feu brûlait
fut un temps le feu follait
la mèche attisée par les deux bouts
au moindre souffle
la forêt n’était plus que cendres

Le souffle a pris un autre cours
un rythme plus fleuve
moins torrent
débordements fertiles
cultures arrosées de crues
les chuchotements ont remplacé les cris

Au-delà des îles
au-delà du temps
je glane çà et là des empreintes
laissées par le vent


Petit aperçu des mouvements inspirés par le stage théâtrure et écritarte coanimé avec Mathilde Girardey les 6 et 7 juillet 2020 à la maison Saint-Joseph à Allex.