Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

mercredi 13 décembre 2017

Une idée cadeau pour les fêtes ?

Amateurs d'histoires, découvrez le recueil de nouvelles : EMPREINTES.
Au fil de voyages imaginaires, rencontrez des personnages attachants...

ou repoussants ! Des histoires parfois surprenantes, quelquefois teintées d'humour noir... 140 pages d'évasion vous attendent chez votre libraire.

Empreintes est également disponible en e-book, et sur commande via internet sur le site BooksOnDemand (et autres FNAC et Amazon... si vraiment vous ne pouvez pas vous déplacer en librairie).

Découvrez des extraits sur la page facebook

 https://www.facebook.com/energiedelaplume/


 













vendredi 1 décembre 2017

Milou

Il est là.
Dans la rue.
Mal assis au pied de cette voiture.
Le conducteur désemparé semble chercher à le relever mais le vieil homme reste assis.
Pourtant je vois son effort.
Tout son corps hurle son envie de se lever.
L’automobiliste m’explique que Milou – ils se connaissent – vient de tomber alors qu’ils discutaient.
Et Milou tremble.
Je lui demande maladroitement si ça va mais il ne répond pas. Il voudrait remettre sa casquette et récupérer sa canne qui glisse mais il ne parle pas.
Sa bouche est crispée dans une diagonale grimaçante.
Je continue de lui demander s’il a mal quelque part… puis nous décidons de le glisser d’un mètre et l’installer mieux.
Milou est au pied du mur.
Alors dans ses yeux je vois la peur et la détresse.
Et je vois sa vie défiler.
Ses orteils gelés dans ses galoches, les matins d’hiver, pour aller à l’école, à pied dans la neige.
La taloche du maître qui l’avait surpris à glisser un grillon dans le tronc de l’église !
Son premier verre de blanc offert par son grand-père pour célébrer son certificat d’études.
Et Jeannette… Ah, Jeannette !
Leur première danse.
Leur premier baiser.
Leur premier enfant.
Mais tout s’embrouille.
Milou ne sait plus.
Un pompier lui parle.
Il aimerait lui répondre.
Malgré ses efforts.
Il ne comprend pas.
À présent il voit le plafond de l’ambulance.
Puis Milou s’endort.

mercredi 29 novembre 2017

Si vous saviez ce qu'il y a dans l'œil d'une mouette

Elle est là
Rieuse
Posée sur son piquet
Figée comme ses consœurs
Toutes dans la même direction
Bec droit
Fier
Aligné avec ce corps fuselé
L’air résonne de leurs ricanements
Soudain
La troupe s’envole
Dans un flappement d’ailes décidées
La nuée survole le chalutier
Cris de plumes blanches
Sur fond de nappe de fuel
Les unes plongent
Les autres surnagent dans les irisations
Elle, plus maline que les autres
Volette au dessus du pont arrière
Elle sait ce qu’elle veut
Elle papillonne sans relâche
Guettant le moment propice
Elle suit le navire
Comme un cerf-volant
Tiré par un enfant
Les hommes s’affairent
Les mouettes aussi
Ça piaille
Ça bataille
Et au milieu de cette pagaille
En un repli d’ailes
Elle atterrit sur une caisse
Y pose à peine les pattes
Plonge son bec dans les écailles
Et regagne le ciel avec son larcin
Un beau maquereau bleuté
Qu’elle ne se laissera pas chiper

Harmonyin Harmonyang

Au fil de l’eau j’ai vu des reflets
L’écho des âmes
Déambulant sur les berges
Leur égo sous le bras
Prêtes à le jeter à la baille
Quand soudain
Elles se sont retenues
Peut-être ont-elles eu raison

Au fil de l’eau j’ai entendu des chuchotements
Fais-pas ci fais pas ça
C’était mieux avant
Et demain les poules auront des dents
Alors les reflets ont ri
De bon cœur
Et se sont mis à danser
Sur les berges fleuries de notes champêtres

Au fil de l’eau j’ai senti que le vent avait tourné
Les filles ont décidé de ne plus se laisser faire
Les gars ont compris que le musc n’est pas le must
Puis des ailes leur ont poussé
Et ils se sont mélangés dans la canopée

Au fil de l’eau j’ai imaginé de nouveaux genres
Plus harmonieux
Moins discriminés
Un libellule s’est posé près d’une papillonne
Ils se sont raconté leurs différences
Puis très vite ils sont passés à autre chose
Parce que la nuit tombait

lundi 27 novembre 2017

Et que revienne le goût du temps

Attendre
Attendre
Attendre
Attendre encore
Les retrouvailles
Le nez collé à la fenêtre
Que tu arrives
Ou que je débarque
Après tant d’années
Après tant de mers
Après toutes ces vagues
Ne plus tenir
Briser la vitre
D’un cri
En éclats

Attendre
Attendre
Attendre
Attendre encore
L’œil sur le sable
Qui coule
Goutte à goutte
Ne plus tenir
Briser le temps
D’un coup précis et net

Et que revienne le goût du temps
Ne plus attendre
Oublier les souvenirs
Oublier l’avenir
Laisser les vagues
Revenir sur le sable
Souffler le verre
Et rester là
Juste un instant
L’oreille posée sur le souffle chantant des bambous les soirs de printemps

Instantané d’automne

La côte au loin découpée
Horizon net
Le relief plongeant dans la mer
Leur reflet dans tes yeux
Le vent s’arrête un instant
Le silence s’échappe de tes lèvres
Et rejoint les nuages

jeudi 23 novembre 2017

La métamorphose de Solstice

Ma voisine (je ne vous dirai pas laquelle parce que je ne suis pas une balance mais c'est une habitante de Korom…) m'a expliqué que la transformation de Solstice est le dernier épisode des Pokémons. Natalia et Djèydjèyaime sont les entraineurs de notre Pokémon de combat. Solstice va se transformer en une superstructure pleine de superpouvoirs extraordinaires.

Avant, Solstice était bleue avec une tache rouge, genre pas triote mais presque. Après solstice sera davantage reggae, rouge jaune vert, et dans reggae il y a gai (merci les VRP). Donc c'est une heureuse nouvelle ! D'abord, Solstice va s'entrainer, parce que pour sa métamorphose, notre champion doit maitriser son ingérence. Avant d'ingérer, Solstice s'échauffe donc et son super pouvoir contribucoop augmente à vu d'œil. L'athlète inspire, régule son céa et acquiert des points de plus value comme si de rien n'était. La transformation s'opère l'hiver pour une éclosion au printemps. En attendant, un peu de gonflette. La bête prend du muscle sans risque, et laisse présager l'apparition prochaine et réjouissante d'un poulain de compète, qui promet de fumer tous les autres compétiteurs, selon un prévisionnel optimiste, d'après les pronostiqueurs les plus avertis. Notre poulain n'a que faire pour le moment de ces projections et enchaine les exercices périlleux pour améliorer sa souplesse de structure. Et hop ! Grand écart, position en colonne, en ligne, en travers... De quoi parer tous les coups à venir au tableau. Puis il enfile son cape, s'entraine à utiliser son césa et joue au changement de statue. De quoi terrifier tous ses adversaires. Ne manque plus que sa botte secrète. Avant de nous la dévoiler, tournons-nous vers Natalia, l'entraineur de notre chouchou : « Que pensez-vous de la forme de solstice ? » « Il est au top et tout le monde est d'accord pour le dire ! » Processus habituel dans toute mutation, notre athlète change de peau, il perd quelques parts, augmente son capital A et son capital B et ça lui fait une belle jambe, parce que de toute façon, il est beau.

Multipliant les compétences, Solstice est une galerie de portraits. Les statues sont d'ailleurs exposées dans l'arène. La statue des règles arbore les attributs de l'arbitre : le sifflet et le carton jaune. La statue du pouvoir rappelle que chaque membre de Solstice a voix au chapitre. Le public commence à se rassembler dans les gradins et observe avec attention les titres des statues, jusqu'à l'évocation de son éventuelle dissolution. Solstice serait alors démembré mais, heureusement, nous n'en sommes pas là. Pour le moment notre héro a atteint l'AGE, la maturité de muter. Son protocéa lui a bien servi mais il va être temps de le laisser au vestiaire. Il va se doter d'autres armes pour s'incarner dans sa nouvelle forme. Il va avoir du mal à se passer de cet outil qui l'a si bien servi mais chacun sait que ce protocéa va nourrir le néocéa au sein de la éssa lorsque solstice aura achevé sa mue. Et chaque année, tel le phénix, il renaitra de ses cendres. Notre athlète n'en perdra pas la tète pour autant, et bien au contraire, il sera toujours commandé par ses membres et son cœur restera son agé. Avant l'épreuve et le grand saut dans l'arène, notre athlète apprivoise son néocéa. En effet, tout nouvel outil nécessite une phase d'apprentissage mais il semble déjà acquérir une certaine dextérité à son maniement. Rien d'étonnant à cela puisque notre héro procède à une métamorphose dans la continuité. Ses pouvoirs vont d'ailleurs continuer à s'équilibrer dans le temps, et le changement va se faire dans la fluidité. Gageons que notre champion va pouvoir compter sur sa souplesse pour consolider ses acquis.

Pendant ce temps les spectateurs jouent au loto. Certains s'impatientent, quelques uns ont faim, d'autres finissent leur nuit. Tout cela réveille l'agé de notre chouchou qui sent approcher l'heure fatidique du combat. Le suspens est à son comble, la tension est palpable, l'arène est en émoi, l'impatience de voir émerger des vestiaires notre champion est à son paroxysme ! Une seule hâte, vivement le match ! Pour le moment Djèydjèyaime et Natalia notent dans le carnet d'entrainement de notre athlète qu'il sera désormais doté de la parade 3542C avec l'option OA. Ils sont supers contents – et on les comprend – d'affecter ces nouveaux pouvoirs à 50/50 sur son travail et ses futurs résultats. Pendant ce temps, l'arène se prépare pour l'événement. Les entraineurs historiques défilent et rappellent les débuts de notre challenger. Solstice est né le 1er jour de l'été au milieu d'un cercle d'amis. C'était trop beau ! À peine sorti de sa Pokéball, notre champion est devenu membre de la ligue intergalactique des Pokémons : la fameuse Copea. Puis des antennes lui ont poussé mais son développement restait limité. Ensuite, notre chouchou a fait sa crise d'adolescence avant de s'installer dans un âge plus opulent. Il a alors acquis certaines armes dont Louty et un peu de sagesse. Il a ensuite pu s'appuyer sur un tuteur pour mieux pousser et le bébé a bien grossi. Il s'est doté d'un protocéa et a pris des dizaines de visages.

Pour l'heure, le doute envahit l'esprit de notre poulain encore au vestiaire. Combien de temps va-t-il conserver son néocéa ? 3, 6, 9 ans ou plus ? Il serait judicieux à l'approche du match que notre combattant ne soit pas préoccupé par ces soucis techniques. Heureusement, une lueur de génie le traverse et il décide de remettre à plus tard ce questionnement et se concentre à nouveau sur la préparation de son éclosion proche. Attention ! C'est parti... Le changement a commencé !


Hum, hum… pour ceux pour qui cette histoire semblerait obscure, rassurez-vous ! C’est normal, cette chronique sportive a été écrite lors de l’AG extraordinaire de Solstice du 23 novembre 2017, à Eurre. Cette réunion a notamment validé le changement de statut juridique de la coopérative, passé de
SARL à SA. Etonish, nein ?

jeudi 16 novembre 2017

Confiance en soi

Plic… ploc…
Tiens, on toque à ma porte ?
Oui ! La pluie, enfin !
Je vais pouvoir sortir de chez moi
D’abord dérouler lentement
Prendre le temps de déambuler
Dans le couloir en colimaçon
Longer ces parois qui me sont si familières
Puis, avant même de passer la porte
Écouter s’il pleut encore
Après tout il pleuvait toute à l’heure
Mais pleut-il encore maintenant
Plic… ploc…
L’averse confirme
Allons-y
Mais soyons prudent
La dernière fois que j’ai jeté un œil sous la pluie
Une grosse goutte m’a rabattu l’antenne
Et j’ai souffert d’une conjonctivite tout l’automne
Où suis-je déjà
Ah oui sous une planche
J’ai eu une riche idée de m’installer là
Continuons
Je fais mes étirements
Je pose mon pied bien à plat sur le sol
Mmmh il est humide comme j’aime
Aujourd’hui je ne vais pas trop en baver
Aller en marche
Chouette c’est une pluie douce et fine
Et pas de grêle en vue
Rien à craindre
Juste une petite musique sur ma coquille
Oh mais que vois-je
Les salades ont poussé 
À table !

lundi 13 novembre 2017

Étranges fruits

Tu n’iras plus
Où les herbes sont couchées
Tu n’iras plus
Où tu allais si souvent
Avec tes frères et vos parents
Tu n’iras plus
Où la terre à tant été piétinée
Sous les arbres où pendent ces si étranges fruits
Tu n’iras plus
À pied suivre les hommes à cheval
Couverts de leurs habits blancs
Éclairés de leurs torches
Procession de lumières trop vives
Pour éclairer le chemin d’un futur mort
Tu n’iras plus
Assister à ses pendaisons si…

Tellement…

Comment décrire
Comment ressentir
Tu n’iras plus
Où ta bien aimée a succombé
Vous vous étiez aimés en secret
Mais dans la plantation tout se sait
Et quand ils vous ont découverts
Le châtiment est tombé
Votre couleur vous a séparés
Tu n’iras plus
Car de rage
Tu les as tous tués



En hommage à Billie Holiday, la merveilleuse interprète de Strange Fruit, première chanson à dénoncer les crimes racistes. À écouter et réécouter : https://www.youtube.com/watch?v=pD2evtQP8pshttps://www.youtube.com/watch?v=pD2evtQP8ps

à relire aussi : J'irai cracher sur vos tombes de Boris Vian...


Mémé encore


C’est là tout proche
Comme si c’était hier
Mais plus là demain
Parti depuis longtemps
Ton visage
À part ce portrait
Ton visage parcheminé
Ce sourire taquin
Et tes mains
Si dure si fines
Constellées de tâches
Tout un univers de temps
Passé sur tes mains
Et ton parfum
Un vague souvenir
As-tu connu plus précieux que cette eau de Cologne ?
Tes mains encore
Laisse-moi les caresser encore
Entendre ma peau sur la tienne
Et écouter ta voix
Tes R roulent dans mon oreille
Tes R demeurent
Mais où est le reste ?

Myosotis

Tu es parti trop tôt
Sans même dire au revoir
Toi qui avais pourtant l’habitude d’être en retard
À l’annonce de ton départ
Le ciel s’est déchiré
Dans un fracas de larmes
Et la pluie n’a cessé
Les rivières enflaient
Les fleuves débordaient
Et moi sous mon parapluie
Je pleurais sans bruit
Les pieds trempés je suis rentré
J’ai scotché les fenêtres
Bouché les serrures
Puis de mon fauteuil
Par les vitres j’ai regardé l’eau monter
D’abord le jardin s’est noyé
Les arbres ont bien tenté de garder les branches hors de l’eau
Mais ils ont fini par perdre pied
Subjugué par un tel spectacle j’avais cessé de pleuré
Je me suis fait un café
Ensuite les premiers poissons sont arrivés
Des petits des gros des rayés des colorés
Du corail a poussé pour border l’allée et des étoiles de mer se sont mises à briller
C’est alors que je t’ai vu passer
Ondulant au milieu d’un banc de sirènes
Tu faisais plaisir à voir
Je n’avais plus de peine

mardi 31 octobre 2017

Osez comme Joséphine

Découvrez l'expo « Osez comme Joséphine », une rencontre entre des portraits pleins d'humanité et des textes remplis d'émotion. Rendez-vous à Valence du 2 au 8 novembre à la salle des Clercs, puis à Romans-sur-Isère du 9 au 12 novembre à la galerie du Fuseau. Pour plus d'infos, et pour vous procurez ce très bel album, cliquez sur le lien L’art comme transformateur des regards.




Pour en savoir plus sur ce beau projet, écoutez l'émission diffusée sur RCF !



dimanche 29 octobre 2017

Une part dont tu pars donc

Pardon
pars donc
et ne reviens pas
tu l'auras voulu
tu es une part dont un morceau sert à partager
une part dont au delà du tout mérite d'être aimé
une part dont on se souvient
une part vient à point qui sait attendre
une part inoubliable
une partie de cache-cache dans les bois
une part de toi qui reste là pendue aux branches comme d'étranges fruits
une part dont l'humanité a fuit
une part dont je t'aime
une part qui s'enfuit déjà
une part à vent
une pars demain
une pare les coups
une répare une à une tes cicatrices
une pardonne moi la pommade
une partie de plaisir
une parchemin de traverse
une par temps de pluie
une paratonnerre
une pari tenu
une part dont tu tiens à garder le mystère
une part mange ta main et garde l'autre pour demain
une part dont on ne revient pas
une part dont le début commence par la fin
un parfum gros comme une maison
une part dont ceux qui te ressemblent se désassemblent
une part dont j'ai perdu la trace
une part dont les souvenirs s'effacent
une pars donc vient me le dire en face
une pars donc vie ma vie avant de me tourner le dos
une part dont tu me diras des nouvelles
une part dont me manquent toi nous vous sans eux
une part dont on ne fait pas d'omelette
une pars donc t'es qu'une femmelette
une part dont on dit que le yin et plus fort que le yang
une part dont je tiens de ma mère qui le tient de sa mère qui le tient de sa mère
une pars donc et ta sœur
une part dont je tiens à m'excuser pour tout le mal qu'elle t'a fait
une part dont le mal est un bien
une part dont le bien est tiré au sort
une pars donc sors les poubelles tant que tu y es
une part dont tu perds le nord
une part dont la géolocalisation finit par t'échapper
une part dont tu t'échappes pour mieux te retrouver
une part dont la vérité t'échappe
une part dont le pot d'échappement gueule et crache une fumée poisse
une part dont j'ai pété
une part dont le levier de vitesse m'est resté dans la main
une part dont les bouts se font la malle
une part dont on oublie jusqu'au visage
une part dont j'ai bouffé le prénom
une part dont les bouffons sont de sortie
une pars donc ne rentre pas trop tard
une part dont tu m'as tellement manqué

jeudi 19 octobre 2017

Les canapés du temps

Soudain, les pattes d'un des deux canapés se mirent à trépigner d'impatience. C'étaient des banquettes en cuir brun, haut perchées sur des tiges métalliques, leur donnant une allure d'insecte. Depuis le début de la réunion, personne n'avait osé s'assoir sur ces sièges pouvant accueillir chacun trois personnes. Tous se méfiaient inconsciemment de ces étranges sièges dont le confort semblait suspect. Aucun n'aurait risqué de s'installer sur ces canapés qui auraient pu croquer quiconque ce serait aventuré sur leurs soi-disant confortables assises. Pourtant, quatre courageux désignés volontaires s'installèrent, malgré les ruades des deux canapés. Une fois posés, les individus assis semblèrent calmer l'impatience des canapés, dont les pattes s'immobilisèrent, et les quatre personnes assises, prirent des pauses invitant l'auditoire à attendre que l'une d'elle prenne la parole.

Le premier commença par dire qu'il n'avait pas le temps de rester, mais s'exprima pendant une heure sur la mesure du temps au fil des siècles. Pendant ce temps, un des orateurs tentait de se détacher d'un accoudoir un peu trop affectueux. Le canapé avait sournoisement commencé depuis le début de l'exposé à contourner le bras de cet homme, qui par politesse avait d'abord feint de ne rien remarquer. Puis, l'orateur s'emballant dans son discours, insistant sur la relativité du temps, le futur prisonnier tentait de se raisonner et de se rassurer quant aux intentions du fauteuil. Heureusement, le premier orateur conclut à cet instant son discours et donna la parole à l'homme qui trouva là l'occasion de se dégager et de se soustraire à l'étreinte inattendue.

Une fois debout, il se lança dans la description d'un ambitieux projet d'exploration des trous noirs, pour aller étudier, dans ces environnements inconnus, la façon dont le temps a une emprise sur le corps et l'esprit des voyageurs. Le canapé frustré s'était renfrogné mais n'avait pas abandonné son envie de croquer ses occupants. Il avait le temps pour lui. C'était une banquette patiente qui avait de quoi tenir un siège. Il entreprit alors d'avaler lentement une oratrice. Cette dernière, concentrée sur l'exposé de son collègue ne s'apercevait pas que le dossier commençait à l'envelopper comme une seconde peau. Elle réalisa trop tard que l'assise emballait ses jambes et l’enfermait de son bassin à ses pieds, quand le dossier acheva de recouvrir son visage, empêchant toute réclamation. L'auditoire, tout à l'écoute de la présentation des modalités d'exploration de l'espace temps dans l'antimatière, ne remarqua rien de la disparition qui se déroulait sous ses yeux, et le canapé, repu, repris sa forme initiale.

Quelqu'un pourtant dans l'assistance avait observé cette scène qui l'avait laissé sans voix, mais il n'eut pas le temps d'exprimer la moindre protestation car, comme l'ensemble de l'auditoire, il fondait littéralement et le public liquéfié se répandait sous les fauteuils, et cette flaque semblait aspirée par les deux canapés étranges. Pendant ce temps, les orateurs avaient tous été englobés par les banquettes, aspirés en effet par leurs pattes, qui étaient en réalité des pailles. La salle était vide à présent, et le silence fut un temps brisé par un soupir de satisfaction des canapés rassasiés. Ils allaient pouvoir attendre la prochaine conférence, en salivant d'avance aux délicieuses pensées dont ils pourraient alors se repaitre. Ils étaient déjà en appétit de la prochaine thématique : l'aménagement de l'espace de travail.


Production surréaliste apparue sur l’écran de mon portable, alors que j’assistais à une table ronde autour de la gestion du temps, organisée par ma coopérative d’activité préférée, Solstice, à Eurre, le jeudi 19 octobre 2017.

PS : tout est bien qui finit bien, car mon collègue Gilles Duron, restaurateur de fauteuils, et à l’œil expert, m'a fait remarqué que ces sièges affamés étaient dotés de fermetures Éclair, et nous avons pu libérer tous les avalés !

lundi 16 octobre 2017

Mon amour idéal

Pour toi je voudrais être là
quand tu as besoin
quand tu m'attends
et être absent
lorsque tes vents me portent au loin
j'aimerais entendre ton souffle
et parler ta langue
être ton oreille tes bras tes mains
ton cœur ta chair
enchainer mes pieds à tes vers
laisser ton chant distiller ses notes suaves
sur chaque ligne de ma partition
me poser en ronde
sur la portée de ta peau
et résonner avec toi
de toutes les vibrations de nos cordes
que ta musique inspire mon rythme
que ta saveur épice mes goûts
que mon sel relève tes plats
pour des festins offerts
diffusant cette vague de mystère
qui me ramène au port
et te laisse aller sur les flots
sans nous mettre en cale
attendre tes alizées
pour gonfler mes voiles
et nous emporter au delà de l'horizon


Atelier d’écritures, Portes-lès-Valence, lundi 16 octobre 2017

Mon amour de tous les jours

Ilam serait un caprice du fleuve
rarement vu pourtant être aussi peu capricieux
peut-être parce qu'il a pris les cieux
justement
pour terrain de jeu
et ce terrain de jeu
me renvoie à moi
justement
des cieux il a revêtu le bleu
intense et joueur
quelques bleus aux je et nous
il est si doux
écharpe de nuages autour de mon cou
dans ce bleu il est mon soleil
prêt à bondir
et me rendre mon admiration
en pareil
catapultant son humour
trublion toujours sur la brèche
là où on ne l'attend pas
moteur et carburant
lové là
au creux de ma main
une caresse à chaque regard
et parfois
quand même
une imperfection dans l'action
dans le rythme un écart
un éclair dans le ciel
vient zébrer sa voix
doutes et malentendus passent alors
mais ne s'attardent pas
et bientôt repartent paître ailleurs
troupeaux insignifiants
et de son doigt malicieux
il dessine sur le vent
un sourire là où se creusait une ride


Atelier d’écritures, Portes-lès-Valence, lundi 16 octobre 2017

dimanche 15 octobre 2017

La bohème

Toute une aventure
préparée des jours à l'avance
les affaires de toutes sortes les vêtements les jouets
t'as pensé aux brosses à dents
la vaisselle elle est déjà dedans
en plastique blanc à grosses fleurs oranges
assortie aux rideaux
comme les sièges
tout un univers
un salon une cuisine une salle de bain
une chambre à couchettes
et des placards partout
même sous les lits
le tout monté sur roues
attelée derrière la Ford Granada bleue marine
le luxe
la liberté
une vie de nomade le temps d'un été
des heures de route
des pauses casse-croute
et chaque année un nouveau camping
rien de bling bling
juste ce qu'il faut
pour être heureux
éplucher les haricots sous le auvent
frire les poissons fraichement pêchés
jouer aux cartes sur la table pliante
celle qui a des pieds téléscopiques
existe-t-il meilleure façon de voyager
une caravane quand on est gosse
c'est comme avoir une maison de famille
dans chaque port de Bretagne
des châteaux en Espagne
un chalet dans les alpes
au fil du temps
la roulotte devient un vieux pote
un membre de la famille
un être cher
qu'on n'oubliera jamais


Atelier d’écritures, Boffres, dimanche 15 octobre 2017

Les cabanes de mon enfance

Brics et brocs
des planches des clous
des planques des coups
des coups bas
mes rien de méchant
des rixes de saltimbanques
un terrain vague
garni de buttes poussiéreuses
couvertes d'une végétation brute
tiges sèches et herbes folles
un Far West de poche
pour cowboys de quartier
des immeubles en guise de Monument Valley
des petits voisins à la place des indiens
des cabanes qui se construisent
avec ce qui traine dans les caves
des cartons
des étais métalliques rouillés
un caddy défoncé
chacun son fort
son domaine à défendre
les bandes s'affrontent
à coups de pistoles à ventouses
de fusils à patates
et de claques-doigts qui pètent
pour faire semblant
comme les grands
on dirait que t'es mort
et demain on revient
ou mercredi prochain
cette fois on sera des gendarmes et des voleurs
et les forts d'hier
deviendront les prisons d'aujourd'hui
on enfourchera nos vélos
comme des motos
lancées à toute vitesse
dans des courses poursuite endiablées
un bout de carton fixé au cadre
pour claquer dans les rayons
et croire qu'on chevauche une grosse cylindrée
puis se sera l'heure du goûter
alors on enchainera les tartines
de beurre saupoudré de chocolat
et en parlant la bouche pleine
on rira aux éclats


Atelier d’écritures, Boffres, dimanche 15 octobre 2017