Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

lundi 4 mars 2024

Les bras m’en tombent

Ça cogite dur dans la tête de la Vénus de Milo. Tout le monde ou presque se demande où sont passés ses bras et ce qu’ils font. Elle aussi aimerait bien le savoir. Elle en a marre de rester là sans bouger. « Avec tous ces passants qui me reluquent, l’œil en point d’interrogation, c’est vraiment malaisant, pense-t-elle. Et certains se le rincent, l’œil, en vérifiant si mes seins sont symétriques. D’autres les touchent carrément quand les gardiens ont le dos tourné ! Si seulement j’avais des bras, je leur collerais une bonne paire de claque. Ils ne resteraient pas de marbre ! Mais qu’est-ce qu’ils font ces fichus bras ? Ça fait tellement longtemps que je les attends que je ne me souviens même plus si j’en ai déjà eu. »

Elle décide donc d’embaucher un professionnel pour les retrouver. L’inspecteur Tommy Hanna mène l’enquête et rassemble les témoignages et indices qui pourraient le mettre sur une piste. Il étudie d’abord la déesse sous toutes ses coutures et constate que ce qui lui reste est plus court d’un côté que de l’autre. Il y a donc un déséquilibre entre les deux fugitifs.
« L’un a sûrement l’ascendant sur l’autre, c’est élémentaire », déclare-t-il. Par ailleurs, notre limier a observé des restes d’empreintes digitales suivies de traces de reptation qui prouvent que les fuyards utilisent leurs doigts pour avancer, suivis des bras ballants. L’inspecteur sait donc dans quelle direction ils sont partis, mais il ignore jusqu’où. « Assurément ils préparent un mauvais coup, estime-t-il. Depuis le temps qu’ils sont partis, ils espèrent s’être fait oublier ». Mais c’est sans compter la ténacité de l’inspecteur ! Il ne renonce jamais à une affaire et espère bien leur passer prochainement les menottes. Hélas, il doit bien reconnaître que pour le moment, ses pistes sont maigres. Mais se pose-t-il les bonnes questions ?

Que font les bras de Vénus ?
La question peut sembler saugrenusse,
Pourtant, ils doivent bien faire quelque chose, ces paires de radius, humérus et cubitus !
Pour le savoir, approchons de la belle immobile.
Sous ses airs impassibles, elle mime des gestes invisibles. Parfois elle s’étire, de temps à autre elle dabe, d’autres fois elle dirige un orchestre. D’ailleurs, si vous la posez dans une fosse, elle peut interpréter la tétralogie de Wagner sans attraper de crampe, ce qui n’est pas le cas de la plupart de ses confrères et consœurs. Il lui arrive aussi de crawler, de danser la Macarena et de faire atterrir des avions de ligne. Mais ce qu’elle préfère, c’est faire sauter des crêpes, tricoter de longues écharpes et faire semblant de conduire. Bien sûr, elle n’a pas le permis, mais on peut lui laisser le droit de se bercer d'illusions, non ?

Ce que l’inspecteur ignore aussi, c’est que les bras de la Vénus de Milo sont partis de leur propre chef. Parce qu’elle leur faisait faire n’importe quoi ! Et que j’te gratte dans le dos dans des angles impossibles à tenir, et que j’te rattache les sandales sans se baisser, du bout des doigts, pour jouer la gracieuse, et que j’te fasse des grands coucous aux autres statues du musée… Bref, ils en ont eu marre et ils l’ont plantée là. L’un est parti lancer le javelot aux jeux paralympiques avec un athlète manchot, l’autre pétrit de belles fournées chez le boulanger du quartier. Si la Vénus était matinale, elle le saurait, mais elle ne va jamais chercher les croissants, car en bonne déesse qui se respecte, elle émerge au moment de la sieste. À cette heure-là, ses bras se reposent, l’un d’avoir beaucoup pétri, l’autre d’avoir beaucoup lancé !

Pendant ce temps, l’inspecteur cherche toujours, tandis que dans la salle des arts religieux indiens, une déesse recompte ses bras : « 2, 4, 6, 8, 10, 12 ! C’est bien ce qui me semblait, j’en ai deux en trop ! » Le bras droit interpelle le bras gauche : « Pssst ! J’t’avais bien dit de tourner à gauche après la Joconde ! » « La quoi ? » « Mona Lisa, le sourire en coin là, t’en fais exprès ou quoi ? » La déesse ne supportant plus ces bravardages, elle s’ébroue et les deux intrus partent en rampant. « Oh les braslourds ! Bon débrarras ! » souffle-t-elle. Tandis que les bras de la Vénus s’éloignent en rampant. À force de chercher, ils retrouvent leur propriétaire. « Ah ! Vous voilà vous deux ! Vous avez longtemps brillé par votre absence ! Remettez-vous en place ! » Enfin, la main gauche couvre un sein et la droite l’autre. Et la Vénus sourit d’avoir retrouvé un peu d’intimité. Maintenant, elle peut s'afficher sur les réseaux, sans craindre la censure !

©Mr.stARTue

mercredi 3 janvier 2024

Terre rouge de honte

Il était une fois
une histoire que vous avez lue déjà
et que vous relirez hélas
celle d’un petit pays qui se croyait le plus classe

son roi était aussi prétentieux qu’arrogant
il n’avait que mépris pour son peuple et les honnêtes gens
son sport favori consistait à les séparer
contrairement à un bon berger

il aimait s’amuser à disperser son troupeau
beaucoup de ses moutons étaient soumis à ce hobereau
et si les rois précédents les avaient bien entraînés
lui avait décidé d’en faire les champions des manipulés

un temps, certains avaient manifesté et s’étaient rebellés
mais le roi avait envoyé ses chiens
il y eut beaucoup de déçus, des morts et pas mal de blessés
nombreux pensèrent que lutter ne servait plus à rien

leurs revendications étaient pourtant légitimes
vivre dignement, apprendre, se soigner, s’épanouir simplement
la plupart ne demandaient pas à devenir richissimes
réduire quelques inégalités seulement

malheureusement ni le roi ni ses sbires ne les écoutaient plus
ils avaient oublié le sens du bien commun
les anciennes valeurs étaient révolues
liberté égalité fraternité restaient au bord du chemin

comme dans d’autres royaumes
la peur s’installait
à part quelques mômes
la plupart s’isolaient

ailleurs les effrayait
ailleurs c’était pire
ailleurs il y avait la guerre
ailleurs d’autres les enviaient

alors ils fermaient leurs fenêtres
encouragés par leurs gouvernants
dictateurs et faux prêtres
ils n’ouvraient plus aux mendiants

les chefs, grands et petits, se frottaient les mains
barricader leurs territoires et vendre des armes
leur assurait de beaux lendemains
à contempler leurs trésors au milieu du vacarme

et si le bruit ne suffisait pas
ils soufflaient sur les braises
attisaient un scandale ici ou là
sans aucun malaise

par exemple dans ce petit pays dont le roi était si teigneux
il suffisait qu’un illustre vomisse les pires ignominies
pour que le monarque le soutienne de son air dédaigneux
érigeant le monstre en égérie

heureusement il restait quelques esprits libres
suffisamment éclairés pour démasquer les caricatures
reconnaître l’hypocrisie quand le cœur vibre
rappeler l’existence des victimes et déloger les impostures

ils n’étaient que quelques-uns à pourrir l’ambiance
une grosse poignée à cultiver la méfiance
à salir tout, soi-disant des pontes
sur notre Terre rouge de honte

pourtant ce sont leurs voix aigres qu’on entendait le plus
couvrant les cris des condamnés au terminus
bien que de généreux êtres brillaient par leur douceur
se rappelant que nous sommes tous frères et sœurs

un jour enfin
tous se réveillèrent
prenant conscience de leur force sans fin
ils jetèrent les rois, les renversèrent

les portes s’ouvrirent alors
les yeux aussi
ce fut une grande farandole de corps
et des rires résonnèrent jusqu’ici

une vague de poésie parcourut la Terre
devenue verte d’espoir
c’était le début d’une nouvelle ère
la paix resplendissait dans le noir

hélas le sursaut ne s’éternisa pas
l’optimisme passa de vie à trépas
les cyniques reprirent le pouvoir
et la fête ne dura qu’un soir

 

 Découvrez ce texte en vidéo : https://drive.google.com/file/d/1vuTIcdSTyukxzEOt_b4TibDcGUrS8Zbj/view?usp=sharing

mardi 19 décembre 2023

Face au miroir

Penché sur cette image à l’envers, je m’observe tête en bas, pas tout à fait net avec les mouvements de l’eau. Je me penche plus près pour y voir plus clair… et PLOUF ! Je tombe dans l’eau. En-dessous, tout défile à contresens. Je remonte le temps, je revois mon passé, mes joies, mes peines, mes erreurs et je comprends. Jusqu’à présent je n’ai été que le reflet de moi-même, le négatif de mon portrait. Il est temps que l’orignal reprenne la place de la copie. Je remonte à la surface, je m’ébroue et je souris à la vie.


Peter Doig – Reflection

(what does your soul look like) 1996

lundi 18 décembre 2023

J'aimerais autant autant pas

Spéciale dédicace à celles et ceux qui aiment écrire des textes sales
aux autres qui n'aiment pas les entendre
et aux bien pensants et pensantes qui n'en disent pas moins comme moi

J'aimerais te tatouer de la poésie sur la peau
Sans hésiter
Graver des histoires et des vers entre chacun de tes pores
J'aimerais autant t'écrire une lettre d'amour avec des rimes en ule
Que de scier une pendule
Parce que sous tes poils poussent des râles aux rives de tes émois
Mais pourquoi écrirais-je seulement des mots lisses ?
Alors que la police me laisse
M'exprimer sans mollesse
J'aime autant vivre sans laisse
Pas toi ?
Tu n'as jamais rêvé de sortir des clous ?
De montrer tes fesses ?
Comme disait ta grand-mère
Chie dur
Chie mou
Mais chie dans le trou

J'aimerais cracher sur tes mots
Déchirer tes phrases
Éviscérer tes verbes
Pendre tes paragraphes à leurs tripes
Les agrafer à des mats enflammés
Je contemplerais la cuisson de tes fascinations morbides
Pas pour leurs obsessions provocantes
Mais pour leur texture
Cette saveur grinçante
Comme ces enfants qui aiment jouer à se faire peur
En écoutant leurs os craquer

Autant je trouvais douteuses tes œuvres acérées
Autant j'apprécie leur tranchant

J'ai envie de lacérer tes textes perclus de crampes
Sentir leurs ligaments se tendre jusqu'à céder
Dissoudre leurs fibres à la bile
Poser mon oreille sur les crispations de leurs cœurs
J'ai envie de danser sur les arythmies de tes proses couvertes d'ecchymoses
Lécher leurs sueurs froides
Griffer leurs carapaces de mes ongles ébréchés
Pour le bonheur de salir leurs réputations si précieuses

Une bonne torture de ta plume
À l'ancienne
Dont j'arracherais les barbules à pleines dents
Je ne mâcherai pas tes mots
Je les avale tout cru
Sans les savourer
La dégustation c'est pour les mous
Bouffer des chapitres c'est pour les durs
J'en bave des miettes
Pas de quoi couper la faim
Quoique ce serait si craquant de conclure sur un malentendu
J'aimerais autant

J'aimerais autant pas
J'aimerais autant pas paniquer
Pas paniquer devant toi
Prendre des airs détachés
Sans souci
Léger
J'aimerais autant
T'oublier
Écraser le poids de tes mots
Le plomb dont tu cribles mes ailes
Mais je ne peux qu'écouter
Et laisser s'écouler dans mes veines
Le mercure de tes doutes qui montent
L'amertume de tes revanches
Les chaînes de ta conscience que tu traînes sans retour
J'aimerais autant pas
J'aimerais autant pa sser mon chemin
Rester à quai quand tu cales
J'aimerais autant te laisser à tes errances
J'aimerais autant

 

  

 

vendredi 15 décembre 2023

Émotions écrites

Vous cherchez un moyen d'exprimer vos émotions ?

Ce recueil invite les amateurs de mots à plonger au cœur d’une écriture sensible. Émotions écrites rassemble une quarantaine de propositions d’écriture permettant de jouer avec les émotions et les rêves.

Pour plus d’informations ou pour passer commande et faire le plein d’Émotions écrites (100 pages, 10€ + frais de port) contactez-moi au 06 64 97 94 84 ou par mail energieplume@gmail.com

Émotions écrites est également disponible sur commande chez votre libraire préféré ou sur le site de Books on Demand https://librairie.bod.fr/em
otions-ecrites-benoit-houssier-9782322518227

 

 

vendredi 28 juillet 2023

Pulsions textuelles

Heureux de vous présenter Pulsions textuelles, un recueil de nouvelles qui rassemble six histoires de personnages au destin singulier.

Au cours de ces vies, il est question de maltraitance, de violences faites aux femmes, d’écologie… avec parfois un grain de folie.

L’ouvrage est disponible sur commande chez votre libraire préféré et en ligne (90 pages, 7€ + frais de port)

Plus d’infos sur le site de Books on Demand.

 


vendredi 16 juin 2023

Burn in shine out

À la suite d'une formation avec David Basso, j'expérimente la vidéo à mes heures perdues. Pour la fête de la musique, je me suis offert un petit air de Rossini pour accompagner un de mes textes. Merci pour votre indulgence, je débute...
 

 

Changement de rythme
Comme un cataclysme

Coup de frein à main
Tu passes de tout à rien

Plus rien ne presse
Quel stress


Dopé à l’efficacité
Ton activisme est à l’arrêt
Ton corps Ton esprit Ton âme
Tout en toi réclame
Encore de la came


De la performance
En perfusion
T’étais en transe
T’as perdu le son
T’entend plus les tam-tam
Les clics clics
Tout ce ramdam
Là où régnait la cadence
La vie n’a plus de sens
Porté par le groove
Tu étais dans l’mouv’


Il se shootait au taf
Pourrait être ton épitaphe


Même épuisé t’en r’demande
Tes cernes pendent
Mais tu veux ta dose
Douze heures à la tâche
Sinon t’explose
Comme une bombe H


burn burn

burn burn

burn burn

burn out



C’était l’bon temps
Des s’maines de ouf
Toujours partant
Top on the roof
T’enchaînais les heures
Comme des battements d’cœur
Doigts incrustés
Dans le clavier
Sous le pouvoir hypnotique
De ton écran magique
Tu faisais corps avec la machine
Ta meilleure copine
Branchés H24
Rien ne pouvait t’abattre
Pas même le boulot
On n’arrête pas les pros
T’aurais pu continuer longtemps
Pas l’choix évidemment
Pourtant un matin


Ton œil est tombé


Comme un patin


Tu l’as ramassé


Depuis quelques jours il tremblait
Tu n’y as pas prêté attention
Aucune notification
Tu continuais d’avancer
Coûte que coûte
Pas le temps
Aucun doute
Toujours en avant


Mais

le lendemain
Il y a eu ta main
Elle s’est fait la malle
Sans laisser d’adresse
Sans politesse
Que dalle
Ton cerveau a cherché la fuite
Ton cœur a pris la suite
Ton monde bien huilé sentait le roussi
Ton inspiration a cherché la faille
Tes pieds refusaient de marcher aussi
On aurait dit un train qui déraille


burn burn

burn burn

burn burn

burn out



Était-ce l’époque les astres les autres
Non seulement tes tocs un désastre
Ta vie pas la nôtre
Ton ventre a implosé
Plus rien ne te retenait
Telle une loque
Tu as fait pok


Un moment tu es resté flasque
Tu as tombé le masque
On ne te voyait plu
Tu avais disparu
Absent dans l’oubli
Inactif et sans amis
Reclus et atone
Tu n’étais plus personne
Hier à fond
Aujourd’hui au fond
Tu ne pouvais pas tomber plus bas
Pas même la force d’un cancrelat


Un temps tu t’es morfondu
Tu as cru en ta déchéance
Mais même les plus perdus
Ont encore une chance


Un matin va savoir pourquoi
Ton corps a rebondi
Tu n’étais plus toi
Une métamorphose comme on dit
L’impulsion a été brève
Peut-être était-ce un rêve
Lentement tu t’es laissé remonter
Comme un gaz préhistorique
Dans une couche oubliée
Du trias ou du jurassique
Et tu as poussé ton 1er cri
Celui de ta nouvelle vie


C’est maintenant que tout commence
Tu vas découvrir ce monde immense


shine shine

shine shine

shine shine

shine out