Dedans se déroule un tapis coulant
inlassablement
Dehors bavardent les nuages les montagnes les arbres les usines et les oiseaux
le tapis coulant les reflète
inlassablement
De son œil indolent
il dédaigne toute chose
La nuit sa réflexion s’absente
seul son écho répond aux néons
émettant des sons pales et acidulés
quelques clapots
comme pour donner la réplique au flot continu de cette autoroute jumelle
que jamais il ne croise vraiment
mais qu’il entend
cette autre artère
Au-dessus un grand vol a remonté le courant aujourd’hui
à basse altitude
mais suffisamment haut pour ne pas se faire happer par un silure géant
car sous le tapis coulant
inlassablement
nagent de sombres appétits
En dessous se dévorent d’insondables attentes
chargées de strangulations lentes
elles ralentissent
le tapis coulant
inlassablement
À ne respirer qu’un jour sur deux
Depuis longtemps dure cette étreinte
livrée à sa guise
aveugle et sourde
emplissant le vide
plaignant les ivresses insatiables
Où est la tête
pas dans le cœur
ça c’est sur
ça tambourine l’écorce
Qui n’a jamais rêvé de s’approprier son territoire
au lieu d’aller le chercher ailleurs
chez d’autres
Le tapis coule
inlassablement
et le vide s’emplit
insatiablement
Alerte
changement
reprise de souffle
bancale
claudiquant
suffocation dans l’espace
appel
à l’aide
plusieurs fois
sans y croire
à demander la lune
puis de la poudre d’étoiles
sans y croire mais quand même un peu
Toujours le tapis coule
inlassablement
sur de nouveaux rails
de séduisantes mélodies d’aiguillages
la tentation du vide s’émousse
les insatiables perdent du champ
les néons prennent des teintes moins blafardes
les rayons creusent plus profond
insinuent la chaleur
la concentre
caressent les ombres
Le crépuscule prend des airs d’aurore
colore le tapis coulant
inlassablement
les reflets se hérissent de frissons généreux
et le sourire du dedans répond aux merveilles du dehors
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