L’arbre aux sansonnets se couvre de conversations crépusculaires
tourbillons de paroles
derviches sans têtes
les étourneaux en sont eux-mêmes étourdis
tous s’agitent
tous pérorent
leur logorrhée offre aux branches un feuillage sonore
la nuit les enveloppera bientôt dans son manteau de silence
tous s’inquiètent
tous pronostiquent
le jour reviendra-t-il
le froid les emportera-t-il avant l’aube
Leur équilibre est si précaire
leurs vies si fragiles
le gel du matin aura tôt fait de les briser comme des brindilles
les piaillements s’intensifient
la crainte double l’écorce
si l’arbre pouvait
il s’ébrouerait pour se débarrasser de cette gangue geignarde
mais les frêles âmes jacassent de plus belle
guettant la lune avant de glisser leur tête dans leurs plumes
ils ne manquent pourtant pas de courage
pour chanter dans le vent glacé
mais l’ombre qui s’abat sur eux les empêche même de se cacher
piteuses grappes grelottant dans la ramure
La nuit vient
elle en emporte quelques uns
demain ils seront moins nombreux
dommage que la mémoire leur fasse tant défaut
ils se rappelleraient que ce matin ils se sont réveillés
pour la plupart d’entre eux
Le fleuve quant à lui ne se soucie pas de ses têtes de linotte
il étire mollement ses flots
comme un jour d’eau plate
il a beau bouillonner parfois
ce n’est pas aujourd’hui qu’il débordera
oh bien sûr quelques saules vigoureux ont fait chanter leurs feuilles plus haut que d’habitude
l’onde a reflété ces soubresauts lumineux
mais ce ne sont que de rares larmes perdues au cœur de cercles brumeux
la surface oubliera instantanément leurs traces
pour laisser place à de plus nobles riverains
Alors auréolé d’or
l’horizon enflamme les eaux
dans les frondaisons s’éveillent des murmures sans crainte
fredonnant des airs paisibles et légers
la valse des étourdis reprend en longues écharpes veloutées
et le ciel s’enzèbre de volutes
pour sculpter dans l’air des lignes de vie
jusqu’au soir
(clin d’œil à Dominique A - Le courage des oiseaux https://www.youtube.com/watch?v=Tfwf1Y5QfPA)