et s’étire mollement dans son lit
Hier il était paré d’or
et pavanait dans la vallée
inondée de ses reflets d’argent
Enfant je jouais sur les bords de l’Eure
le temps passait sans souci
En quelques coups de pagaies
les pirates rejoignaient les indiens
À midi le papy de mon plus vieil ami nous régalait
de ses fameuses côtelettes grillées
On était les princes du Mississippi
Plus tard j’ai découvert le fleuve des rois
La Loire délavait ses tapisseries de sable
sous le regard de mouettes rieuses
et d’étudiants emplumés
J’ai suivi son cours jusqu’à l’océan
Gavée d’iode dans les marais salants
l’eau ma raconté des histoires d’oiseaux bleus et blancs
C’est un plaisir sans fin
J’ai rebroussé chemin
posé mes valises au bord du Rhin
Dans ses bras exotiques
je me suis laissé perdre
sous la généreuse canopée
Noisetiers géants
Peupliers démesurés
Lianes de clématites et lierre nourricier
J’aimais aussi flâner sur les quais de l’Ill
suivre son pas lent
traverser sa forêt
ponctuée de daims élégants
Le Ried m’aurait bien happé
fidèle ami
mais une brûlante source d’amour m’appelait
Bordées par le Rhône
les dorsales parées de buis du Bugey
m’ont longtemps hébergé dans leurs chaleureuses prairies
Puis j’ai quitté ma terre promise
pour suivre les méandres jusqu’à la capitale des gaules
Le fleuve est la respiration de cette ville
Il coule désormais sous mes fenêtres
tranquille
Parfois l’agitation du monde le rend tumultueux
ce soir je me bercerai de ces flots scintillants
mes rêves rejoindront alors le clapotis de ses berges en silence
Demain il atteindra son delta
je m’imprègnerai de ses possibles
puis je m’envolerai avec une compagnie de flamants roses
et nous irons ailleurs
chanter nos odes
à d’autres eaux de vie
© photo Laurent Dufour