Il a fallu y aller
il a fallu venir
il a fallu du temps
il a fallu tenir
Pour où aller
Qui s’en soucie
Peut-être ce bleu
Sans doute était-ce eux
ces va-t’en voir
qui m’appelaient
ces malaxeurs de boues
qui m’appétissaient
à mêler ma sueur
à leurs sillages
Il a fallu les entendre
patiemment
se laisser mener par le bout du nez
Il a fallu des tremplins
il a fallu des chutes
Il a fallu revenir
le cœur plein d’ampoules
les ongles encrassés de larmes
Il a fallu trouver les courants
il a fallu relire les tensions
il a fallu rebrancher les prises
remonter les ruelles
rebrousser les eaux vives
faire péter les emprises
Alors la bouche s’est ouverte
le son est parti tout seul
une furie
porté par l’intuition du vent
enfoui dans les vaisseaux de bois
et le sang a coulé
des racines à la cime
Depuis
il y a tant de chuchotements
tant de confidences
tant de caresses
Il n’a pas été nécessaire
de leur faire une place
chacun a trouvé un coin
peau à peau
bouche à bouche
Alors le temps a lâché les vannes
le goutte à goutte a laissé passer la vague
et des digues encore
des vides
rien pour les arrêter
Il a fallu du temps
pour y plonger
il a fallu ces quelques notes
écouter
Je n’irai pas pulser sous vos balcons
vos fenêtres méritent mieux
j’irai mâcher mes mots
avant de les cracher
j’irai sentir doucement
avant de craquer encore
quelques croutes du bout des pieds
Pour où aller
Texte produit au cours d’un atelier animé par Florentine Rey lors du festival de poésie Voix Vives à Sète, inspiré d’un texte de Fabienne Swiatly.