Si je pouvais être dans la peau d’un autre
mieux
plus
différent
je ne voudrais pas être esclave
je ne voudrais pas être femme battue
je ne voudrais pas être président
je ne voudrais pas être ouvrier spécialisé
je ne voudrais pas être dentiste ni assureur
je ne voudrais pas être
et puis il y a ce grincement au fond de la gorge
je ne voudrais pas être une porte cochère
je ne voudrais pas être un réfrigérateur
ou alors pour de bonnes raisons
je ne voudrais pas être un homme de seconde main
je ne voudrais pas être une plante à tout faire
je ne voudrais pas être un rhume des foins
je ne voudrais pas être un yoyo ballotté au gré des courants
je ne voudrais pas être un tas de muscles sans cervelle
je ne voudrais pas être une pierre sans âme
je ne voudrais pas être une émission de radio en boucle
je ne voudrais pas être un courant d’air
ou alors juste pour
Non mais vous nous voyez
des hommes alignés comme des côtes de bœuf
c’est pas parce qu’on met des femmes en vente sur les bords des routes et ailleurs
un peu de dignité bordel
en attendant j’absorbe
je ne voudrais pas être une éponge
un buvard à la rigueur
mais pas de ceux qui parlent trop
je ne voudrais pas couvrir les craquements d’articulations qui nous guettent
je ne voudrais pas vieillir sans avoir aimé
je ne voudrais pas mourir sans entendre une dernière fois On my shoulders de The Dø
comme si rien d’autre n’avait d’importance
je ne voudrais pas être una bella ragazza
je ne voudrais pas être un tigre en cage
je ne voudrais pas être un gratte ciel au ras des pâquerettes
à moins d’avoir un ascenseur en verre
je ne voudrais pas être un suppôt de Satan
je ne voudrais pas être un évier bouché
je ne voudrais pas être un ongle incarné
je ne voudrais pas être une plage déserte
je préfèrerais être né du bon coté de la frontière
de bonne cylindrée
avec un plumage coloré
des pouvoirs magiques
la bouche pleine
des rêves dans les poches
un ami sur qui compter
des kilomètres de vie sans âge
et pourquoi pas un petit pied à terre en bord de mer
Ah voilà
je voudrais être une cabane dans une forêt profonde
connue de quelques uns et unes
qui de temps à autres consolideraient mes planches
je m’en fous d’être vermoulu
tant que je peux regarder tomber la pluie
et le soleil sécher son petit linge
au pire si je tombe en ruine
je me réincarnerai en jaguar
je marquerai mon territoire de mes effluves
et je trainerai mes taches dans les camaïeux sauvages
le monde pourra bien dire ce qu’il veut
mon existence sera aussi brillante que celle que je mènerais en d’autres circonstances
ni mieux
ni plus
juste différente