N’est-ce pas incroyable toute
cette mécanique bourrée de technologie qui nous transporte sans rechigner
pendant des années et qui part en fumée dans un rugissement de moteur désespéré ?
Je dis ça parce qu’hier soir, ma voiture m’a offert un grand spectacle digne
des meilleures prestations pyrotechniques, au point de laisser penser aux habitants
du quartier qu’un grand incendie venait de se déclarer ! Mais plus impressionnant
que dramatique, cet épisode, où il n’y avait que de la fumée sans feu, a ouvert
une sorte de faille spatio-temporelle dans mon emploi du temps et laissé la
place à des rencontres imprévues.
Lorsqu’on tourne la clé dans le
contact on n’a pas conscience que c’est peut-être la dernière fois. Combien de
fois démarre-t-on ce fabuleux résultat d’une grande ingéniosité, cet
aboutissement de longues études, de tests de prototypes, ce produit issu d’une
industrie pharaonique ? Les nombreux ouvriers, techniciennes et autres
ingénieurs qui dépendent du secteur réalisent-ils à quel point notre quotidien
est entre leurs mains ? Du jour au lendemain, on se retrouve à pied, et s’enclenche
un processus plein de rebondissements : annulation de rendez-vous, suivi
de l’affaire avec l’assurance, échanges avec le dépanneur qui prend en charge
le véhicule, etc.
Heureusement, un ami arrive !
Sans lui, point de salut. Cet ange-gardien vous épaule, et surtout vous
véhicule le temps de régler cette affaire qui devient prioritaire et remise les
autres activités en cours au rang de lointains souvenirs. Un bonheur n’arrivant
jamais seul, une amie répond présente, immédiatement elle aussi, et vous prête
sa voiture quelques jours, en attendant de trouver une solution à cet épineux
problème. Que demander de plus ? Une nouvelle voiture ?
Le garage qui prend en charge la
voiture moribonde et l’assurance préconisent le même cap : la casse. Il est
vrai que le coup de théâtre du bolide laisse penser que la situation est
désespérée ! Donc, la suite logique s’impose : vider le véhicule de
tous ces petits trésors accumulés au fil des kilomètres, laisser la poussière
sur les tapis et le réservoir quasi plein, puis déposer les clés et la carte
grise à l’accueil avec un léger sentiment d’injustice et de gâchis. Le garage est sympa, il
propose des occasions mais « Vu votre situation, nous ne pouvons pas
envisager de prime à la casse et encore moins de prime à la conversion ».
Je vous épargne le prix des occasions proposées, sans aucune cohérence avec la
situation, le vendeur ne mesure évidemment pas que vous venez de perdre une
voiture, de l’argent et que vous allez devoir faire face à une grosse dépense
imprévue. On est toujours un peu mesquin dans ces cas-là, non ? Mais ne
perdons pas de temps, allons au plus simple, cherchons un véhicule de
remplacement.
Je vous la fait courte : mon
garagiste habituel est un type malin et généreux. Alors que je lui rends visite
pour voir s’il n’aurait pas une petite occasion pas chère, il me demande
pourquoi j’envoie ma voiture à la casse alors qu’il sait où me trouver un
moteur de rechange ! Vive le recyclage ! Je retrouverai donc mon fidèle destrier pour une
seconde vie la semaine prochaine et, en attendant, l’enchainement heureux se
poursuit avec un autre ami qui transmet l’info à une autre amie qui va me
prêter sa voiture jusqu’à ce que je retrouve la mienne. Elle est pas belle la
vie ?
Au début, la situation pouvait
paraître tragique, on aurait pu se laisser emporter par l’émotion, mais quand
on a une bonne étoile, on ne se refait pas, on attend la fin de l’averse en
philosophant joyeusement : allons, ça pourrait être pire ! Et au
moment où cette pensée vous traverse, vous croisez une amie en voiture qui vous
interpelle en disant : « Hé, salut ! Comment tu vas ? Ça
faisait longtemps ! Oups, excuse-moi, je remets ma perruque… », conclut-elle,
en dissimulant coquettement une jolie boule à Z. Et de raconter comment se
passe le traitement, la réorganisation du quotidien et les réactions de l’entourage.
Je suis content de la revoir en forme et comme je lui raconte mes déboires
automobiles, en précisant que je préfère ça qu’une patte cassée, elle me
propose de me servir de taxi puisqu’elle est dispo en ce moment, et ajoute dans
un éclat de rire : « Ça vaut mieux qu’une bonne chimio ! »
Que tous ceux qui ont gentiment
proposé d’autres solutions que celles exposées ici, ou simplement été présent, ainsi que ceux qui se
reconnaissent dans cette histoire, soient copieusement remerciés. Votre humanité
est un trésor inestimable. Que la vie vous gâte chers amis !