Extérieur nuit
Fenêtre entrebâillée
Voilages gonflés d’une brise légère
Je vous devine
Chaque soir
Je passe
Je repasse
Hypnotisé par votre silhouette féline
Attisé par le parfum de nos souvenirs à venir
Vous lisez ce soir
Lovée dans le moelleux de votre fauteuil
Près de vous sous la lampe la fumée d’une tasse
Caresse délicatement vos cheveux
Vous ne me voyez pas
Non
Vous ne m’avez jamais remarqué sans doute
Pas même lorsque je vous croise le jour
Le soir l’ombre du marronnier m’offre le camouflage idéal
Mes yeux pourraient-ils supporter image plus fascinante
Je me noie dans votre contemplation
Comment me lasser de vos longues poses
Accoudée au canapé
Fines jambes savamment repliées
Crinière en arrière dégageant votre oreille pour mieux poser le combiné
Si c’était moi au bout du fil
Je vous dirais combien vous me plaisez
M’écouteriez-vous seulement
Qui est-ce d’ailleurs
Votre amant
Votre mari
Oui je suis jaloux
Vous me délaissez
Et pourtant
Personne ne compte autant pour moi
Oserais-je un jour
Si vous lisiez cette lettre
Mais vous ne la lirez pas
Je ne l’écrirai pas
Je ne vous l’adresserai pas
Je garderai tout pour moi
Je vous garderai pour moi
Rien ne nous séparera
Par la fenêtre
Votre regard se pose sur moi
Pour la première fois vous me voyez
Intriguée
Me reconnaissez-vous
Je suis pétrifié
Vous m’interrogez
Je bafouille
Je vous aime
Vous riez
Nous rions
Vous fermez les volets
Extérieur jour
Goudron fumant
Vous êtes une lionne
Je suis un zèbre
Vous m’avez reconnu
Je m’apprête à fuir
Le rythme de vos talons me poursuit
Un éclair fouette l’air
Le tonnerre rugit
Vous me rattrapez
Dans la pénombre d’une ruelle nous nous étreignons
Tes doigts fins glissent sous ma chemise
Je frissonne
Tu m’embrasses
Tes lèvres chuchotent dans mon cou
Tu es beau de près
Nous nous aimons sous la pluie
Pavé mouillé
Si on rentrait
Nous courons sous ma veste
Ton sourire m’éblouit
Intérieur jour
Lumière pluvieuse
Thé ou café
Nous nous aimons encore
Intérieur nuit
Allongés sous la lune
Ta jambe pliée sur ma cuisse
Tu signes nonchalamment mon torse du bout de l’ongle
Tu es la femme de ma vie
Tu es mon amant pour toujours
Je te garderai pour moi
Rien ne nous séparera
Mon amour
Nos deux corps gisent
Oreillers écarlates
Draps de soie claire
Deux roses passionnées
Sur un écrin de vair
Texte proposé au concours « Lettre à la Femme d’à côté »
organisé par la Cinémathèque française en partenariat avec Télérama
dans le cadre de la rétrospective François Truffaut. Bravo aux lauréats !