Proposition faite à des amis pour lancer un atelier d'écriture par mail...
Une belle nuit, ou peut-être un jour, alors que je déployais
toute mon envergure de géant des mers, frôlant l'écume agitée des crêtes du
Pacifique, je croisais par hasard Nietzsche qui interrompit violemment mon vol
: "préférez-vous le rêve ou la réalité".
Je fus littéralement happé par la profondeur de cette question.
Qu'auriez-vous fait à ma place ?
Je fus littéralement happé par la profondeur de cette question.
Qu'auriez-vous fait à ma place ?
Je rétablis finalement assez rapidement mon équilibre et
remontais vers la surface en longeant les parois gluantes et froides du gouffre
dans lequel j’aurais pu sombrer si je m’étais laissé emporter par le poids de
cette terrible question et je sortis tel une torpille expulsée d’un sous-marin
et je retrouvais, dans une grande inspiration, l’air pur de l’océan qui
m’accueillit à vagues ouvertes. Au passage je claquais Nietzsche comme il se
doit et l’envoyais valser sous des lustres cristallins et lumineux pour lui
apprendre à philosopher en volant. Me voici donc fier, libre, léger, heureux en
somme, prêt à braver les tempêtes et à me prendre des paquets de mer dans le
bec, survolant des creux impressionnants, et tant mieux si le beau temps
revient, j’en profiterai pour pêcher quelques sardines et faire une sieste sur
une falaise perdue en laissant sécher mes plumes au soleil. Là, je contemplerai
l’horizon et je ne penserai à rien. Rien du tout. Je laisserai vagabonder mon
esprit d’oiseau sur cette ligne infinie qui ne m’inspirera que du vide. Et je
m’endormirai. Et je rêverai que je suis un homme. J’embrasserai ma femme et mon
fils avant de partir travailler. J’avalerai une tartine trempée dans ma tasse
de café. Je me lèverai avec difficulté. Je me réveillerai bougon. J’atterrirai
sur une falaise et j’y resterai pour la journée.
réponse de Stef :
La réalité c'est rêver la vie les yeux grands ouverts.
Le rêve c'est voler un peu de réalité à la vie en fermant les yeux.
Rêve ou réalité ? Et toi que vois tu quand tu fermes les yeux ?
réponse de Philippe :
Préférez-vous le rêve ou la
réalité...
Elève de terminale allant plonger dans une épreuve du bac : la question sous-entend une distinction entre le rêve et la réalité. Mais, les deux concepts sont-ils si distincts que cela ? Autrement dit : le rêve ne serait-il pas une expression de la réalité, la frontière, si justement elle existe, est-elle si bien définie ? Ou, même : est-ce que la réalité ne serait pas une expression du rêve ?
Politicien : « oui, aujourd'hui tout devient réalité. Vous avez rêvé de plein emploi, voilà qui est fait, vous avez rêvé le bonheur, il frappe à votre porte... » « Vous avez rêvé l'enterrement en première classe de la langue de bois, elle est maintenant six pieds sous terre, en funérailles nationales ! » La preuve : « vous avez réalisé que la conjoncture, notamment sur notre territoire, suit une progression optimale malgré la crise qui sera bientôt derrière nous avec la croissance importante attendue cette nouvelle année, confirmée par de nombreux experts... »
Poète animant des ateliers d'écriture : la réalité est dans un gîte de Cinquétral, le rêve dans une maison, seul, peinard, avec un saule dans le jardin à Laval (pour la rime chère au poète).
Ingénieur filière nucléaire : on a rêvé l'atome pendant des millénaires, on le réalise actuellement, on se prend à rêver que Tchernobyl et Fukushima n'ont jamais existé, que le nucléaire est propre et sans déchets, chaque bon citoyen en a un bon et beau fût dans son jardin ou sur sa terrasse. Un avenir réellement radieux...
Elève de terminale allant plonger dans une épreuve du bac : la question sous-entend une distinction entre le rêve et la réalité. Mais, les deux concepts sont-ils si distincts que cela ? Autrement dit : le rêve ne serait-il pas une expression de la réalité, la frontière, si justement elle existe, est-elle si bien définie ? Ou, même : est-ce que la réalité ne serait pas une expression du rêve ?
Politicien : « oui, aujourd'hui tout devient réalité. Vous avez rêvé de plein emploi, voilà qui est fait, vous avez rêvé le bonheur, il frappe à votre porte... » « Vous avez rêvé l'enterrement en première classe de la langue de bois, elle est maintenant six pieds sous terre, en funérailles nationales ! » La preuve : « vous avez réalisé que la conjoncture, notamment sur notre territoire, suit une progression optimale malgré la crise qui sera bientôt derrière nous avec la croissance importante attendue cette nouvelle année, confirmée par de nombreux experts... »
Poète animant des ateliers d'écriture : la réalité est dans un gîte de Cinquétral, le rêve dans une maison, seul, peinard, avec un saule dans le jardin à Laval (pour la rime chère au poète).
Ingénieur filière nucléaire : on a rêvé l'atome pendant des millénaires, on le réalise actuellement, on se prend à rêver que Tchernobyl et Fukushima n'ont jamais existé, que le nucléaire est propre et sans déchets, chaque bon citoyen en a un bon et beau fût dans son jardin ou sur sa terrasse. Un avenir réellement radieux...
Militant ONG anti-nucléaire, à peine narquois : « ...et on peut
toujours rêver de se réveiller un matin en apprenant que Marie
Curie s'est cassée une jambe ce jour-là et que le nucléaire
désigne la filière et les entreprises de transformation de noyau de
pêche en portes et fenêtres »
Salarié ou partenaire malheureux d'une association du Haut-Jura : la réalité je la subis, le rêve me permet de la supporter et peut-être d'envisager d'en échapper.
Lobbyiste : la réalité permet de corrompre jusqu'au rêve.
Cuisinier : faire rêver le client de mille mets en lui montrant une réalité peu chère.
Les évocations se tarissent mais la liste n'est pas exhaustive.
Je pourrais conclure pour ce soir que le rêve n'est pas maîtrisé, et que, dans ce sens, il sent bon. Il sent la liberté. Ceci me ferait alors presque préférer le rêve, à la réalité. Mais le tableau de la réalité est parfois si fort, puissant, vivant...la réalité serait alors choisie un peu par faiblesse, mais non sans intérêt.
Après, qu'en pense M. Nietzche, avec ses belles moustaches ?
Salarié ou partenaire malheureux d'une association du Haut-Jura : la réalité je la subis, le rêve me permet de la supporter et peut-être d'envisager d'en échapper.
Lobbyiste : la réalité permet de corrompre jusqu'au rêve.
Cuisinier : faire rêver le client de mille mets en lui montrant une réalité peu chère.
Les évocations se tarissent mais la liste n'est pas exhaustive.
Je pourrais conclure pour ce soir que le rêve n'est pas maîtrisé, et que, dans ce sens, il sent bon. Il sent la liberté. Ceci me ferait alors presque préférer le rêve, à la réalité. Mais le tableau de la réalité est parfois si fort, puissant, vivant...la réalité serait alors choisie un peu par faiblesse, mais non sans intérêt.
Après, qu'en pense M. Nietzche, avec ses belles moustaches ?