D’abord le revers
Pas le coup droit
Parce que ma main n’est pas une raquette
Et de toutes façons je suis gaucher
Gauche un peu aussi
Mais recentrons-nous
D’abord le revers
Parce que j’ai envie de la poser à plat
Devant moi
Reposée
Détendue
Ma main droite est posée devant moi
Avec ses doigts sa peau ses veines ses tendons ses articulations
Détendue jusqu’au bout des ongles
Quelque chose palpite dedans quand même
De la vie qui boue
J’ai envie de voir ce qu’il y a en-dessous
Une paume
Ouverte
De texture et de couleur différentes du revers
Plissée de lignes qui se croisent
À l’intérieur de ma main
Il y a un vallon
Des cours d’eau au pied des collines
Quand je fais un creux et que je la porte à mon oreille
j’entends l’eau couler
Si je penche
Le torrent accélère
Et à bien y regarder
Si je penche encore
l’eau tombe en cascade du bord de ma main
Je récupère l’eau dans le creux de mon autre main
Ça tombe en cascade
Et je ne peux plus écrire
Alors je rééquilibre ma paume
L’eau récoltée retourne à la rivière
Et je la laisse couler
Elle coule sans bruit maintenant
Comme l’encre sur ma page
À part le frottement de la bille de mon stylo qui donne de petits coups sur la feuille
Des petits coups quelques traits et des courbes
Tracés par mon autre main
J’aimerais regarder dans cette autre main si le paysage est le même
Mais je ne peux pas car j’écris avec
Ma main ne veut pas lâcher le stylo
Pendant ce temps mon autre main s’est remise à plat
Le paysage a disparu
Mon stylo n’a plus de raison de s’agiter
Ma main le pose
Toutes deux se reposent