Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

vendredi 22 août 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #2


Vendredi 22 août
Pour commencer la journée, je plongeais un instant dans l’œuvre gigantesque du magnifique écrivain voyageur Nicolas Bouvier.

Le point de non retour

C’était hier
plage noire de la Caspienne
sur des racines blanchies rejetées par la mer
sur de menus éclats de bambous
nous faisions cuire un tout petit poisson
sa chair rose
prenait une couleur de fumée

Douce pluie d’automne
cœur au chaud sous la laine
au Nord
un fabuleux champignon d’orage
montait sur la Crimée
et s’étendait jusqu’à la Chine
Ce midi-là
la vie était si égarante et bonne
que tu lui as dit ou plutôt murmuré
« va-t’en me perdre où tu voudras »
Les vagues ont répondu « tu n’en reviendras pas »

Trébizonde, 1953

Nicolas Bouvier, Le dehors, Chansons d’un compagnon voyageur,
« Œuvres » / Quarto Gallimard (p. 827)


Je restais un moment étonné par l'écho de ce poème avec mon propre voyage. Une fugitive seconde j’eus l’impression de partager cette pêche avec mon compagnon voyageur. Comment ne s’était-il pas perdu en effet dans ses nombreuses aventures ? Peut-être un jour le rencontrerais-je et répondrait-il à ma question ? En attendant, je devais me remettre en route pour retrouver mes souvenirs et mon fiston.

En guise de souvenirs, me revenait en mémoire une réflexion que j’avais eue quelques temps auparavant.

La couleur de l’impatience

Elle est noire l’impatience
Elle bouche tout
Retarde tout
Freine des quatre fers
En l’air
Nous le pompe
L’air
Peint tout en gris
Dégoute de tout
Des gouttes de pluie
Oubliée la paix d’un rayon de soleil sur les blés
Attente frustrée d’une caresse le long de l’été
Qu’elle crève l’impatience
La gueule ouverte
Gorge sèche
Pleine de chiendent
Et que revienne le goût du temps
Cette saveur sucrée de fruits cuisant dans de grosses marmites
Le bleu des jours heureux partagés
Le scintillement des flots dans tes yeux
Les flonflons les paillettes
Le souffle chantant des bambous les soirs de printemps
Qu’elle revienne l’impatience
On l’attend
Prêts à en découdre
Des flèches de figues lancées à ses trousses
Des paquets de mer salés à souhait
Des brassées d’embrassades prêtes à la maîtriser
A terre l’impatience
Ficelée de faisceaux de présent sans lendemain



L’impatience est une larme qui se dépêche de couler
de peur de sécher avant de tomber
sur la fleur qu’elle rêve d’arroser.



Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.

mardi 12 août 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #1

Mardi 12 août

Cette nuit, mon fils m’a réveillé :
« - Papa, m’a-t-il chuchoté dans un sanglot, j’ai fait un cauchemar !
- N’aies pas peur mon chéri, nous sommes là, tu n’as rien à craindre sous la tente, ais-je marmonné dans un état second. Puis j’ai ajouté : racontes moi ce qui s’est passé. »
Nous étions dans un avion. Un long courrier survolant l’Europe, peu de temps après le décollage de Genève, en direction de Delhi. Mon fils coloriait sagement un dragon crachant de longues flammes sur un chevalier en armure en équilibre instable sur une monture qui n’en menait pas large. Ma femme somnolait devant une de ces comédies américaines qui ont le mérite de l’endormir au bout d’une heure de vol. Quant à moi, je buvais un café en laissant vagabonder mon regard sur les reliefs que nous survolions. Etait-ce les Carpates ou déjà le Caucase ? Un jour j’irais là-bas ! Je me voyais déjà parcourant ces terres de légende quand soudain le hublot s’ouvrit ! Je m’envolais alors en laissant s’éloigner l’appareil. Il me fallut un moment avant de trouver comment me diriger dans cet élément que je ne connaissais pas. J’étais ballotté en tous sens et je me sentais chuter à une vitesse vertigineuse. D’abord ramassé en boule et orphelin de tous repères, je me raidis et me mis à descendre comme une flèche, tête en avant, pieds en l’air, bras le long du corps, bien décidé à ne pas trop trainer dans ces altitudes bien trop froides à mon goût. Parvenu à distance raisonnable des sommets j’ouvris les bras et me mis à décrire des cercles de plus en plus amples pour profiter du paysage. Comme je m’approchais de ma destination, je m’offrais encore le plaisir de longer de belles crêtes puis je planais un moment au dessus d’une vallée dont je suivais la rivière, longée par une petite route qui traversait un village. Je me posais alors à un kilomètre environ du bourg au milieu de cette route pour finir le chemin à pied quand soudain une voiture me renversa !
Et mon fils se rendormit.

Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.