Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

lundi 19 janvier 2015

Procrastination fallacieuse

Procrastination
Une lueur de défi brille dans l’œil de ce mot étrange
Comment résister à la tentation de répondre à cet appel
Tu ne repousseras pas jusqu’à la veille de la soirée slam-poésie
Tu ne remettras pas à hier ce que tu pourrais faire demain
Écrire sur ce thème est une invitation à un voyage au bord du monde
J’irai bien me pencher là-bas mais ne sachant pas ce que j’y trouverai je préfère m’abstenir pour le moment
Partez devant je vous rejoins

Écrire sur ce thème est une incitation à la remise en question
Pas immédiatement non
Ma première pensée va à ma femme
Féministes ne criez pas elle le reconnait elle-même
Elle a la procrastination dans la peau
C’est comme une seconde nature chez elle qui lui vaut régulièrement de se coucher à point d’heure pour terminer un travail qu’elle aurait pu boucler bien plus tôt
Cette faiblesse est une cause de stress et d’angoisse qui la laissent souvent dangereusement sonnée et insatisfaite
Bref une belle source d’engueulade
Un vrai tue l’amour

Mais je ne suis pas là pour parler de ma femme
Mais bien de moi
Car dès que ce thème a commencé à cheminer dans ma petite cervelle
L’idée saugrenue que moi aussi je puisse avoir la capacité de procrastiner m’a traversé l’esprit
C’est devenu d’autant plus évident que l’adjectif fallacieuse me laissait penser que ce léger défaut d’organisation pouvait se manifester de façon perfide et sournoise
Voire à l’insu de mon plein gré
Bingo
J’ai tout de suite pensé à ce que je remets toujours à plus tard avec les meilleures excuses du monde
Depuis j’ai découvert aussi avec horreur le lien possible entre procrastination et perfectionnisme
Aïe
Vue mon incapacité à supporter de livrer un texte avec la moindre coquille je me demande si je ne vais pas devoir aller consulter
Mais on verra demain

En attendant j’ai dressé une liste
Exhaustive évidemment
De tout ce que je repousse à plus tard
Le mois prochain
L’année prochaine
A la saint Glin-glin
A une vie suivante
Voire à jamais
Dans l’ordre des priorités
Réduire ma consommation d’alcool
Ça c’est fait ou presque
Arrêter de fumer
Des fois oui
Cesser de tout prendre pour moi
Je m’améliore mais je vois qu’il y a encore beaucoup de susceptibilité en ce bas monde
Tenter l’expérience de l’ici et maintenant
Quel bonheur lorsque j’y parviens
Me rapprocher de moi et des autres
Le chemin est long mais la voie est agréable à emprunter
Jouer du piano
Et pourquoi pas de la guitare de la harpe ou danser le flamenco pendant que t’y es
Ha oui j’allais presque oublier
Une des premières images qui m’est venue en pensant à ce thème c’est l’accueil d’un sans papier ou d’un sans abri chez moi
Jamais fait alors que j’y pense depuis des années
Et si je participais à un cercle de silence au moins
Ça changerait quoi
Il y a aussi les copains du jura qui luttent contre l’exploitation des gaz de schistes sans moi
Qu’est-ce que j’attends pour rejoindre les groupes ardéchois
Et puis et puis et puis

Et puis après avoir été paralysé par la tragédie qui a touché Charlie Hebdo et les autres tueries qui ont suivies et qui nous ont tous laissés abasourdis
Je me suis dit
Tiens il semblerait que la procrastination puisse être oubliée parfois
Impressionné par l’élan de rassemblement qui s’est manifesté les jours suivants
La tragédie m’a rappelé combien je souffre à chaque annonce des horreurs qui parcourent chaque jour la Terre et pour lesquelles je ne prends jamais le temps d’aller défiler
Alors j’ai pensé à la liberté d’expression et la liberté tout court
Et je me suis dit que ce sont des valeurs auxquelles je tiens autant que le partage et le respect
Alors qu’est-ce que j’attends pour aller les défendre

Est-ce que j’irai demain aider les enseignants à débattre de ces horreurs avec leurs élèves
Les aider à éviter les discours opportunistes les récupérations les amalgames
Est-ce que j’irai demain rencontrer mes frères juifs ou musulmans près de leurs lieux de cultes pour leur dire combien je les aime et qu’ils n’ont rien à justifier et qu’ils ne sont en rien responsables et qu’ils ne méritent pas les saloperies inscrites sur leurs murs
Est-ce que j’irai demain dire aux puissants de ce monde que ce sont eux que je tiens pour vrais responsables
Par le maintien des rapports de pouvoir et de corruption qui nuisent à l’épanouissement de tant de peuples voire les anéantissent sans vergogne
Est-ce que j’irai demain moi-même affirmer que je contribue à ce système inégalitaire malgré mes petits réflexes de bobo bien organisé bien obéissant toujours prêt à brandir mes choix de consommation comme des actes militants

Non surement
Demain je me lèverai comme les autres jours
Oubliés les soucis
Je me remettrai à travailler comme avant
Persuadé que mon perfectionnisme n’est pas une façon de fuir
Mais peut-être que je garderai un objectif en tête malgré tout
Celui de toujours agir avec paix et amour
Peut-être alors je ne remettrai pas à plus tard finalement ma recherche d’une nouvelle organisation personnelle
Peut-être alors je continuerai à accepter le changement
Peut-être alors je laisserai mon égo à sa place
Peut-être alors je serai enfin plus disponible pour aider ceux qui en ont besoin
Et peut-être alors je passerai un peu plus à l’action
Peut-être alors je ne me laisserai plus bec clouer par des discours idiots ou des paroles irréfléchies
Peut-être alors irai-je encore plus à la rencontre des autres
Peut-être alors encouragerai-je le partage et le faire ensemble
Peut-être alors le monde ira mieux
Alors j’irai me pencher tout au bord du monde pour contempler le résultat
Alors je pourrai peut-être reprendre une vie confortable et tranquille
Mais pour le moment il y a du pain sur la planche et je crois qu’il va falloir me retrousser les manches
Allez au boulot


Texte produit pour la soirée Slam-poésie du 17 janvier 2015
au resto « Le mot à la bouche
» de Valence,
et dont le thème était « procrastination fallacieuse » !

mardi 13 janvier 2015

Portrait

Celui qui brille par son sourire et son esprit
Celui que j'aime comme mon frère, mon père, comme tous les êtres de la Terre
Celui qui pleure, celui qui rit
Celui qui demande pourquoi
Celui qui voudrait tout savoir
Celui qui dit c'est pas juste
Celui qui a toute la vie devant lui et qui trouve ça un peu long
Celui qui veut encore une histoire, encore un bisou et qui a soif alors qu'il devrait déjà être endormi
Celui qui en sait certainement plus que moi sur la vie mais que je ne sais pas écouter et à qui je répète "tu m'écoutes oui ?!"
Celui qui aime sans compter et à qui je dois quand même apprendre à partager


Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 12 janvier 2015
où j'avais proposé de réaliser de courts portraits de proches, introduits par "celui qui / celle qui" au début de chaque vers.

7 derniers jours écoulés

Lundi
Allez, au boulot ! Je serais bien resté au lit pour me reposer de ces deux semaines bien remplies... Tant pis !

Mardi
Chouette un nouveau projet !

Mercredi
Coup de poing dans le ventre
Douche glacée
Je viens de perdre une partie de moi-même

Jeudi
L'affluence de messages de soutien m'apporte le réconfort dont j'ai bien besoin

Vendredi
Amour et paix le matin
Fraternité le midi
Cauchemar en fin d'après-midi

Samedi
Quel bonheur de partager une tajine aux olives et aux citrons avec des amis !

Dimanche
Existe-t-il plus belle chose au monde que les éclats de rire d'un enfant emportés par le vent ?


Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 12 janvier 2015
où j'avais proposé de réaliser un court agenda de souvenirs récents, petits et grands évènements...

dimanche 11 janvier 2015

Alternative à La Marseillaise

Et si on chantait autre chose que La Marseillaise ?
Un hymne au rêve et à l'amour pour remplacer un hymne guerrier...
La quête de Brel par exemple me conviendrait mieux !


Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d'une possible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inaccessible étoile

Telle est ma quête,
Suivre l'étoile
Peu m'importent mes chances
Peu m'importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l'or d'un mot d'amour
Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon cœur serait tranquille
Et les villes s'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureux

Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écarteler
Pour atteindre l'inaccessible étoile



En son et en image sur https://www.youtube.com/watch?v=U2kn0Q3UHOc

jeudi 8 janvier 2015

Hommage

En réaction à la tragédie que nous avons vécue hier et qui nous laisse tous abasourdis, le poème de Paul Eluard est largement diffusé. Afin de soutenir le message de Charlie et de tous ceux qui œuvrent dans ce sens je reproduis à mon tour ici ce magnifique texte.
Restons unis, gardons confiance, espoir et ne lâchons rien !



Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit